WILL MCBRIDE ~ La confiance en soi, c'est péter quand on a la chiasse

Août 2010, Ottawa

Faire une bonne et belle connerie, c'est tout un art. Il y a un savoir faire derrière, des mois, des années d'expérience. Il faut trouver la cible parfaite, saisir quel est son point faible, ce petit truc qui fera qu'elle sortira de ses gonds à la seconde où on appuiera dessus. Il fait aussi du matériel parfois, des complices qui donnent des infos ou participent purement et simplement au coup. Quand on veut que ce soit parfait, un vrai feu d'artifice, il faut de la patience, de la préparation et une bonne dose d'envie viscérale de faire chier le monde.

Mais quand on parle de défi, là par contre on s'en bat les steaks de la patience et de tout le bordel. On fonce dans le tas et on réfléchit pas.

Will fait craquer ses doigts en fronçant les sourcils, le regard vissé sur la cible que ses potes lui ont désigné, plutôt que sur le film qui est projeté devant lui. Sa mission : lui rouler la pelle de sa vie et repartir comme si de rien n'était. Un jeu d'enfant pour le blond qui se souvient encore du jour où il a relevé le défi d'entrer dans le bureau du proviseur en slip en hurlant « UN TROLL DANS LES CACHOTS ! » avant de se laisser tomber par terre comme une merde. « Si j'réussis, on est d'accords que vous me payez un mois de kebab chez le tonton d'Amir hein ? » il précise quand même parce que faire des défis c'est marrant, mais quand il gagne quelque chose derrière c'est quand même mieux. « T'inquiète mon gars on te paie tous les grecs que tu veux après ! » le rassure Eddy en hochant la tête. Will sourit. Si le kebab est offert...

D'un bond, il se lève de sa place alors même que le film a déjà commencé depuis une quinzaine de minutes et va rejoindre le siège vide à côté de la fille qu'il doit galocher. Une fois installé, il se tourne vers elle en souriant, la hèle d'un « Hey ! » et à la seconde où elle tourne la tête vers lui, il se penche sur elle, plaque ses lèvres contre les siennes et l'embrasse à en perdre haleine sous les holas de ses potes, hilares. Lorsqu'il estime que c'est suffisant, il s'éloigne de la pauvre fille qui n'a strictement rien compris à ce qui vient de lui arriver et lui dit « Merci, j'te dois un kebab ! » avant de s'en aller.


Plus tard dans la soirée

Installé à table avec ses parents, Will a les yeux fixés sur le hamburger qu'il a préparé sans pouvoir y toucher. Il s'est passé un truc tout à l'heure, le genre de truc important, super important même. Le genre de truc qui est à la fois super cool et super flippant. Le genre de truc qu'il peut pas garder pour lui, qu'il peut pas cacher à ses parents parce que de toute façon il leur a toujours tout dit et que si ils lui ont plusieurs fois répété que si il était homo ils l'aimeraient  toujours autant, c'est que la différence ça doit pas importer à leurs yeux. Alors Will prend une grande inspiration et commence : « Papa, Maman, il s'est passé un... un truc tout à l'heure... » « Qu'est ce que c'est mon poussin ? Tu es tout pâle ! » s'inquiète sa mère en reposant son hamburger dans son assiette. Will déboîte et reboîte son pouce nerveusement, comme toujours lorsqu'il est vraiment stressé. « Bah... Je crois que... mon corps est en train de changer. » « Ça s'appelle la puberté ça mon fils » répond son père en frottant sa moustache « tu sais la voix qui mue, les poils qui poussent, les boutons sur ton front et dans ton dos les euh... le service trois pièces qui s'active quand une jolie fille est dans le secteur... » « Hola nan nan t'y es pas du tout là ! » le coupe Will qui sent que la discussion est en train de partir en couille encore plus vite que ce qu'il craignait « Je... Je change mais pas comme quelqu'un de normal ! Comme quelqu'un de... de pas normal ! » En voyant la tête de ses parents complètement paumés par son explication pas claire du tout, le blondinet passe ses mains sur son visage avant de se lever subitement de table « Allez dehors, je vais vous montrer. Côté jardin. » Sa mère hoche la tête et entraîne son mari hors de la maison, pendant que Will grimpe en courant les marches de l'escalier pour aller dans sa chambre. Une fois qu'il y est, il ouvre la fenêtre et s'installe au bord en faisant coucou à ses parents. Il les voit froncer les sourcils et préfère les prévenir avant de se lancer « Je vous préviens c'est assez impressionnant mais flippez pas, ça va bien se passer ! » « Euh attend mon Willy, tu as quand même pas l'intention de faire le saut de l'ange là rassure moi ! » s'écrit son père en écarquillant les yeux. « En fait, c'est exactement ce que je vais faire ! » Will pousse d'un coup sur ses jambes en hurlant « BANZAIIIIII ! » et sous les yeux exorbités et les cris de ses parents, exécute un bond le propulsant plus haut même que le toit de la petite maison avant de retomber quelques mètres plus bas juste devant ses géniteurs, un peu chancelant mais en un seul morceau et sans le moindre bobo. Les chevilles sont intactes, juste sa coiffure qui en a pris un coup. « OH MON DIEU » s'écrit sa mère en se précipitant vers lui. « Mon bébé ne fais PLUS JAMAIS ça tu as compris ? Tu aurais pu te tuer enfin ! Tu étais tellement haut ! Comment as tu... Comment... »  « C'est ce que j'essaie de vous expliquer depuis tout à l'heure ! Mon corps il change ! » « Et ça c'est pas la puberté. » confirme son père en fin observateur qu'il est, toujours en état de choc. Will pince ses lèvres et s'éloigne légèrement de sa mère en continuant : « J'crois que j'suis comme ceux qu'on voit à la télé vous savez... Les mutants... » Sa mère plaque ses mains sur sa bouche, les yeux larmoyant tandis que son père semble chercher ses mots face à cette révélation. Will se doute que ça ne doit pas être facile à encaisser pour eux, qu'ils ont surement très peur et qu'ils n'ont pas la moindre idée de comment gérer cette situation, mais lui aussi à la trouille. Finalement, son père s'avance vers lui et le prend à son tour dans ses bras : « Même en homme grenouille, on t'aimera toujours Will. Tu es et tu resteras notre fils, quoi qu'il se passe » La maman hoche la tête en rejoignant l'étreinte familiale et le lycéen serre ses parents aussi fort qu'il le peut, trop heureux de se sentir aussi aimé malgré tout ce qui vient de lui tomber subitement dessus. « Promis je ferai pas de conneries avec ça, je vais faire méga gaffe ! Et puis de toute façon c'est pas trop dur à planquer tant que je saute pas, j'suis sûr que je maîtrise déjà, regardez ! » Il s'écarte un peu de ses parents, fronce les sourcils en se concentrant sur la fenêtre ouverte de sa chambre au premier étage, pousse sur ses jambes pour sauter dans cette direction... et s'encastre violemment dans le mur de la maison, une cinquantaine de centimètres à droite de l'ouverture qu'il visait. Et pendant qu'il retombe sur le sol comme une merde et que ses parents se précipitent vers lui en hurlant, il se dit qu'il va vraiment falloir qu'il bosse son calibrage.



Décembre 2010, Ottawa

« Hé les mecs, devinez ce que j'ai bouffé ce midi ! » Will n'a même pas besoin de relever la tête de son téléphone pour pouvoir répondre : « Du chili con carne avec un smoothie à la banane et un coulant au chocolat. » Tous ses potes le regardent les yeux écarquillés, stupéfaits par la rapidité et la précision de sa réponse. « Ouais mais... Comment tu sais ça ? » Will sourit en relevant la tête et explique le plus naturellement du monde : « En fait c'était super facile : déjà t'as encore une moustache rouge de chili autour de la bouche, en plus t'as un peu de chocolat sur tes fringues et tu bouffes tout le temps des smoothies. » Tous les autres explosent de rire et le blond les imite, mais il sait qu'il a eu chaud sur ce coup là : encore un peu et il se faisait cramer. Parce que c'est pas parce que son pote bouffe comme un porc qu'il a pu deviner tout ça, c'est parce qu'il l'a senti. Depuis un moment, il sait pas trop ce qu'il se passe, mais son pif lui permet de sentir un max de trucs super loin et de savoir précisément de quoi il s'agit. Et le pire, c'est que non seulement maintenant il doit se taper toutes les odeurs ultra fortes de la ville H24, mais en plus il peut même plus faire ses super bonds comme avant ! C'est juste... parti, pouf, comme ça. Son père pense que c'est peut être ça la puberté des mutants, que le pouvoir est pas encore totalement défini, mais sa mère est pas du même avis. Alors toute la petite famille a fait des recherches, consulté des bouquins, demandé des infos l'air de rien à des personnes plutôt calées en la matière. Mais toujours rien. Du coup Will est obligé de se taper un pif digne d'un chien de la brigade des stups et a le don un peu morbide de savoir quand quelqu'un de son entourage a mangé un truc pas super super frais.

La sonnerie retentit dans le lycée, la pause est terminée. Les amis du jeune mutant se lèvent du banc sur lequel ils étaient installés pour rejoindre la salle de classe, mais Will traîne un peu, le temps de remettre un cahier dans son sac. Une fille en profite alors pour s'approcher de lui et s'assoir à ses côtés, ce qui a le mérite d'intriguer le garçon. Elle est plutôt jolie avec ses cheveux blonds et ses grands yeux bleus, mais il n'avait jamais fait spécialement attention à elle. En tout cas, avec elle tout près, il se sent immédiatement bien, à l'aise, comme si ils étaient amis depuis des années alors même qu'il a pas idée de son prénom. Et puis en plus, elle sent vachement bon. « Toi aussi t'en es un, pas vrai ? » lui demande t-elle en plongeant son regard dans le sien. « Un quoi ? » répond t-il, un peu paumé. « Un mutant ! Je t'ai entendu tout à l'heure, décrire le menu de ton ami, il n'avait aucun tâche sur ses vêtements. Tu peux voir le passé c'est ça ? » « Houla houla » lâche Will en fronçant les sourcils « Calmos, je suis pas madame Irma moi ! Et puis qu'est ce que tu veux dire par "toi aussi" ? T'es une mutante ? C'est quoi ton pouvoir ? » La jeune femme le scrute du regard avant de répondre : « Je te le dirai seulement si toi tu me dis le tien. » L'espace de deux secondes, Will hésite. Lui dire, c'est reconnaitre qu'il est mutant et il veut pas trop que tout le bahut soit au courant. Mais en même temps, savoir qu'il est pas tout seul à l'être, ça lui fait tellement de bien qu'il peut pas s'empêcher de dire : « En fait, j'sais pas trop. Y'a quelques mois, j'pouvais faire des bonds de ouf, genre de plusieurs mètres sans me péter les chevilles ni rien, mais depuis un moment j'ai un pif de malade, je peux même te dire ce que les gens dans la maison en face du lycée ils ont mangé hier, par contre je peux plus faire de sauts comme avant ! Mon père pense que mon gêne mutant il est pas encore bien défini, que je me cherche encore... » « Nan je pense pas que ce soit ça. » lui répond la fille en passant sa main dans ses cheveux. « Moi je peux moduler les sentiments des gens, les rendre heureux ou tristes selon mon envie. En venant vers toi, j'ai manipulé tes sentiments de façon à ce que tu ais tout de suite confiance en moi. C'est plutôt pratique, mais surtout, je peux faire ça depuis que je suis toute petite et jamais je n'ai changé de pouvoir à aucun moment. » Les yeux écarquillés, Will s'exclame « Wow la vache ! Ton pouvoir déchire ! » La jolie blonde lui sourit avant de lui tendre la main en se présentant : « Je suis Jodie, et toi c'est Will c'est ça ? » « Ouais c'est ça. » lui confirme le mutant en serrant sa main. Et à la seconde où sa peau entre en contact avec la sienne, les odeurs se font moins fortes, s'estompent jusqu'à devenir totalement insignifiantes. Surpris, Will hausse les sourcils et tripote son nez en essayant de renifler mais rien, c'est définitivement parti. Jodie l'observe, un peu perdue : « Qu'est ce qu'il t'arrive ? » « Rien c'est... Les odeurs... Elles ont disparu... C'est toi ? Tu peux manipuler les pouvoirs des gens aussi ? Les rendre moins puissants ? » La jeune femme fronce les sourcils avant d'écarquiller subitement les yeux « C'est pas vrai... Will, ta panique... Je la ressens ! J'ai comme l'impression que mon ventre se tord dans tous les sens, une sensation de manque et... » « Putain c'est dingue je ressens exactement la même chose ! » s'exclame le blond toujours aussi préoccupé par la perte de son pouvoir. « Will, je peux pas modifier les pouvoirs des autres mutants mais ça, ce qu'il se passe, c'est... c'est MON pouvoir ! Avant quand je ne savais pas le contrôler, les personnes autour de moi ressentaient exactement la même chose que moi, et c'est exactement ce que t'es en train de faire ! » Will fronce les sourcils, pas sûr de tout comprendre. Putain mais qu'est ce qu'elle essaie de lui dire là, c'est de plus en plus bizarre cette histoire ! Et puis tout d'un coup il percute. Il pige tout ce qu'il s'est passé, il pige ce qui lui arrive, il pige ce qu'il est. Littéralement sur le cul, il se tourne vers Jodie et lâche : « En fait mon pouvoir c'est... » « Celui des autres. » confirme la jeune femme en lui souriant gentiment « Ton pouvoir c'est de copier celui des autres. J'ai jamais vu ça c'est... incroyable. » Ouais incroyable c'est le mot. Et Will ose même pas imaginer la gueule que vont tirer ses parents quand il leur racontera à quel point son pouvoir est incroyable. Ça promet.



Septembre 2012, New York

« Tu es sûr de toi mon poussin ? Tu veux vraiment aller dans cette école ? » « T'inquiète maman ça va bien se passer. Maintenant que j'ai fini le lycée de toute façon j'ai que ça à faire, et puis Jodie est partie étudier en France donc si je choppe un pouvoir qui craint je pourrais pas récupérer le sien et ça pourrait partir en cacahuète grave... » Sa mère hoche la tête et Will la prend dans ses bras pour la consoler. La pauvre, son unique bébé quitte le nid pour aller à l'étranger en plus... Alors même si New York c'est pas si loin d'Ottawa, c'est pas tout près non plus et même pour le mutant c'est dur. « Et tu es sûr que tu veux pas qu'on t'accompagne dans l'école ? On sait jamais il y aura peut être des papiers administratifs à signer ou... » « Sandra, laisse le, c'est un grand garçon maintenant il saura se débrouiller. » intervient finalement le père en posant sa main sur l'épaule de sa femme. Puis il se tourne vers son fils et lui dit d'un ton très solennel : « Mon garçon... L'ère de la puberté est passée maintenant, tu es un homme alors... Fais attention à toi, soit gentil, et protège toi pour ne pas nous faire une quinzaine de mini McBride dès ta première année ici s'il te plait. » « Oh putain tu vois maman c'est pour ça que je préfère qu'on se dise au revoir à la gare ! » Sandra McBride lâche un gloussement amusé avant de reprendre son fils dans ses bras. « Tu vas me manquer mon bébé. Fais attention et donne nous des nouvelles d'accord ? » « Promis. Tu vas me manquer aussi. » Après un dernier câlin, un dernier milliard de bisous et quelques larmes, Will monte dans le taxi qui doit l'emmener jusqu'à l'institut du Professeur Xavier. Son futur chez lui. Sa nouvelle maison. Et il a déjà trop hâte d'y être.



Lettre datant de janvier 2016

Yo Jodie !

Bonne année, joyeux Noël et tout le bazar ma vieille ! J'espère que tout se passe bien avec les bouffeurs de baguette et que t'as eu des super cadeaux.

A l'institut tout va bien, je suis rentré chez mes parents pour les fêtes de fin d'année et je viens juste de retrouver ma chambre d'étudiant. Bientôt 4 ans que je suis là, c'est vraiment trop bizarre de se dire que je vais surement passer ma vie ici. Parce que franchement, après, j'ai pas la moindre idée de ce que je pourrai faire. J'ai bien envie de partir un peu pour faire le tour du monde où un truc du genre en prenant le pouvoir d'un mec de l'institut qui peut se téléporter mais bon, si j'touche quelqu'un d'autre entre temps ça craint quoi. Suffit que j'sois à l'autre bout du monde, le billet pour rentrer il est pas gratos, même pour les pauvres mutants un peu paumé... Du coup je verrai. J'ai encore un peu de temps avant d'avoir à vraiment me poser la question, et puis de toute façon j'crois que j'aurai toujours des trucs à apprendre ici, tant que je saurai pas comment me bloquer sur un seul pouvoir, même si je pense pas que ça soit possible (sinon je vois pas trop l'utilité de mon pouvoir en fait...)

Enfin voilà, sinon tout va bien ici, j'espère que tu pourras rentrer pour les vacances de février, histoire qu'on aille skier un peu tous les deux comme avant, ça serait cool.

Prend soin de toi,

Will