it's a long way down.
chapitre 1: juillet 2009
« Maman ? Je suis rentré. » Il fermait la porte d'un coup de pieds, balançant son sac dans le vestibule comme il l'a toujours fait, sa veste balancée à la volée sur le porte manteau qui manqua de tomber. « Maman ? » Aucune réponse ne se faisait entendre dans la maison Lester, plongée encore dans le noir pourtant, il pouvait sentir une tristesse récurant ces derniers temps, forte : la tristesse d'une mère pour son fils, jugé comme un criminel qu'il n'était pas. Si l'affaire avait secoué en partie le pays, les Lester avaient vécus cela comme un raz-de-marée engloutissant tout sur son passage. D'abord, la mutation. Hormis Wade, personne n'était au courant pour la mutation de son frère. Personne n'a jamais su, ou plutôt a toujours ignorer ces "signes", sauf lui. Il avait une dizaine d'années lorsque son aîné c'était transformé devant lui pour le protéger d'élèves plus âgés, toujours à vouloir faire payer au gamin à lunettes le prix de son intelligence. Ensuite, la torture. Aucun d'eux ne savait, il n'avait jamais rien dit a personne et essayait du mieux qu'il pouvait de le cacher à son frère, sûrement. Il n'a jamais rien sentit de négatif venant de lui, pas depuis qu'il avait reprit contact avec eux, pas depuis Jane, qu'il aimait sincèrement. Rien ne lui avait fait deviner que quelques choses n'allait pas et il s'en voulait de n'avoir pas réussi à le déceler, de ne pas avoir été là alors que ses pouvoirs s'étaient eux aussi manifestés. Ces pouvoirs, qui le guidait en haut des marches, suivant la sensation émanant de la personne assise sur son lit, sa mère. Elle leva les yeux en l'entendant arriver. « Wade. Je. Je vais. » Elle commença à se lever, essuyant son nez rapidement avec son mouchoir. Madame lester n'appréciait pas avoir l'air si faible devant ses enfants, devant son plus jeune fils surtout, simplement rentré à la maison pour les vacances comme sa soeurette. C'était à elle d'être forte, elle, de tenir cette famille ensemble maintenant que c'était fait. Maintenant que le placard derrière elle était à moitié vide, qu'à moitié plein. « Ne bouge pas, c'est rien. T'en fais pas. » dit-il, la rassurant d'un geste de la main alors qu'il s'approchait. Il ne lui a pas fallu longtemps pour comprendre que ses parents c'étaient une nouvelle fois disputés, mais que cette fois, c'était bien plus grave que d'habitude. Le placard ouvert, vidé à la hâte, était la représentation parfaite de ce qu'il avait laissé, un espace vide. Elle observa son garçon s'asseoir à côté d'elle. Sorti de l'adolescence sans même qu'elle s'en rende compte, ne le voyant pas aussi souvent qu'elle le voudrait, depuis ses quinze, seize ans, l'université avait un peu séparé les parents des enfants et cette distance avait du mal à être comblée, provoquant un certain malaise. Durant les huit dernières années, il ne l'a plus vraiment approché, gardant ses distances, évitant le moindre contact avec les gens de sa famille. Comme tout ado, n'est-ce pas ? Désireux de rester seul, de bouder le monde. Il en portait l'allure en tout cas, en replaçant derrière son oreille une mèche de cheveux un peu trop longue, il vint chercher sa main et y mêla ses doigts. « Ça va aller. » son murmure résonnait dans le silence, coupé immédiatement par une forte inspiration, une surprise, qui referma les doigts de la cinquantenaire sur les siens, les écrasant. Elle le regarde, l'étudie, cherche en lui des réponses, une réponse. Il ne fait que lui sourire, calme, tendre. La peine s'est envolée, d'un coup, pour eux deux. Elle tente de dégager sa main mais il l'en empêche, caressant le dos de sa main avec son pouce pour la rassurer. C'était normal pour lui, son quotidien. La raison pour laquelle il avait eu si peur d'un contact avec sa famille. Il aurait vendu la mèche, trop vite. Seul sa fratrie le savait, jusque là. « Tu..Tu en es un, toi aussi ?» Il hoche la tête. « Empathie. » commença-t-il à dire. « Et je peux le calmer, comme ça. » Il faisait référence à la main dans la sienne, au toucher qu'il évitait alors les autres, sauf quand utile. Elle sourit, essuyant ses larmes avec son mouchoir. Elle voulait s'inquiéter, voulait avoir peur pour lui, voulait penser au pire mais le pouvoir agissant sur elle l'empêchait d'avoir peur. « Ne le dit pas à ton père. Il. A déjà tout perdu ou presque. » dit-elle, laissant s'échapper un rire mêlé de ses dernières larmes. C'était nerveux, c'était perdu. « Il m'a déjà perdu il y a un moment. » Il faisait référence au début du procès, au rejet de la réalité, à la peur que Monsieur Lester avait ressentit, sa colère, sa honte, d'avoir pour fils un mutant. Il l'a perdu à ce moment là, quand il fixait avec rage un écran de télévision, où Graham leur apparaissait après son arrestation. Toutes ces manifestations, bonnes, ou mauvaises qu'il avait engendré. Quelques semaines plus tard le divorce était engagé et les Lester n'étaient plus alors qu'une famille tentant de se reconstruire. Ils avaient du chemin a faire, encore.
you will remember for centuries.
chapitre 2: mars 2010
La fumée criminelle s'échappait de ses lèvres avec lenteur. Assassine, elle était symbole de ses addictions nombreuses et de son désintérêt face aux minutes de vie qu'il perdait en consumant cette mort en rouleau, pièce maîtresse de cette vie qu'il vouait à son auto-destruction. L'homme à la vingtaine passée était tombé dans son canapé, à moitié habillé, à moitié prêt. Au final le courage lui avait manqué. Au final, l'appel d'une bouteille de whisky et d'un paquet de cigarettes avaient eu raison de son courage, de sa volonté de ne pas décevoir les autres. Personne ne pensait à quel point lui, pouvait être déçu par la tournure des choses. Personne ne se disait qu'il pouvait souffrir de quoi que ce soit, lui qui gardait toujours une légère odeur alcoolisée et de tabac, la tête relevée et le visage muet. Il ne souffrait de rien, hormis de ses addictions, n'est-ce pas. Il ne s'offusque de rien, Wade. Il a toujours le sourire aux lèvres et le tic de remettre en place ses lunettes. De beaux discours à faire sur ses études et la facilité avec laquelle il est capable de lire à travers les gens. Un type comme ça n'a rien à caché, respirant la franchise et les valeurs les plus nobles. Pourtant, cet homme, se trouvait être un mutant. Une de ces saletés écumant les rues, le nouveau fléau humain, ravageant tout sur son passage et mettant à mal la question même d'Humanité. Contre tout ça, contre les autres, il n'avait qu'un endroit où s'échouer : son appartement était sa bulle, son réconfort alors que seize heure sonnait sur des cloches quelques rues plus loin. Il n'y était pas allé. Il était mieux, là.
Un raclement de gorge -qui n'était le sien- perturba la parfaite mélodie jouée par l'un des meilleurs pianiste de son temps. Bien, bien au-dessus de son niveau personnel. Bien, bien au-dessus de ses compétences de joueur de piano amateur, mouvant sa tête depuis des heures au rythme de la mélodie effrénée, violente, rageuse. Elle couvrait le son du téléviseur et ses propres pensées. Il n'appartenait plus qu'à son morceau. C'était la bande originale de sa vie, un maelström amer, dans lequel il essayait de nager sans se noyer après avoir déjà bu la tasse plusieurs fois. On lui a toujours reproché son manque cruel d'émotion dans son jeu, aucune interprétation, aucun sentiment attribué à son morceaux. Juste les notes, balancées dans l'air exactement comme la partition le voulait, à l'instant où elle le voulait. Il n'inspirait rien, ne véhiculait rien. Là, c'était une vague d'émotions sans aucun sens, se succédant les unes les autres qui l’entraînait dans son tourment. A force d'écouter ce morceau, il en était le maître, connaissait chaque montée, chaque accélération, chaque notes. Le jeune scientifique maîtrisait sa bête noire, son démon, pour une fois : la faiblesse humaine, les sentiments. A en jugé par la table renversée, les deux ou trois bouteilles échouées sur le sol et l'odeur de cigarette imprimé dans les murs, la rage l'avait emporté. La rage, et la tristesse, seuls choses assez fortes pouvant émaner de lui lorsqu'il était seul. La nuit en était même tombée sur Cambridge sans qu'il ne se rende compte de rien, perdu dans un imaginaire dont lui seul était le maître. Loin, bien loin de cette triste réalité qu'ils lui avaient froidement rappelé. Loin, très loin d'un passé qui avait bien commencé.
Après le bruit des clés dans la serrure et la fermeture de la porte, c'était donc un raclement de gorge, qui le rappelait à la réalité. Une pression sur le lecteur et la musique cessa, rappelant le silence qui hantait d'ordinaire cet appartement à eux. L'intruse l'avait réveillé. « Je croyais que tu devais arrêter. » A l'opposé du salon, près de la porte d'entrée tout juste fermée se trouvait une femme, aux traits similaires, la jeunesse fleurissante et les joues creuses. Elle se bataillait avec des cheveux en bataille -parfaitement détrempés par la pluie- que l'on pouvait retrouver dans ceux plus foncés de son cadet, observant avec attention le nuage de fumée formé au bord de ses lèvres. On pouvait voir qu'ils étaient du même sang facilement ; Le nez, les yeux, la même expression de lassitude chez l'un comme chez l'autre. Cela justifiait sûrement la présence de la visiteuse dans l'appartement délabré d'un homme en costume-cravate affalé comme un malpropre. Un malpropre silencieux, un malpropre capable de sentir le désarroi de sa sœur jusqu'ici, qu'il arborait également. Cette pitié, qu'elle avait à son égard et sa fatigue de devoir baby-sitter un homme adulte, était maintenant une part de lui. « Pourquoi je le ferais. » Il avait promis à ses parents d'arrêter de fumer, et puis au final, comme la plupart des gens, il a trouvé ça trop difficile, trop irritant de n'avoir rien dans les mains. L'assiette lui servant de cendrier à côté de lui, il y fit tomber le paquet de cendre s'étant agglutiné au bout de la cigarette, comme si de rien était. Il savait très bien que son aînée avait une sainte horreur de ça, comme leur frère aîné d'ailleurs, mais cela n'allait pas l'empêcher d'en griller une, puis une autre, et ainsi de suite en espérant provoquer son départ bien avant d'avoir terminer un paquet complet. « T'es pas allé au baptême alors. » Malgré la pluie à l'extérieur, Marie s'était empressée d'ouvrir la fenêtre donnant sur la rue surchargée de personnes aux parapluies sombres, moroses, plombés dans la nuit de Cambridge. « Tu as prévenu ? » « Nan. » Le parrain en moins à un baptême, prévisible non ? Cela fera une petite histoire à raconter.. avec un peu de chance, ils allaient annuler, ou bien ils décideraient de ne plus jamais lui adresser la parole, solvant le moindre de ses problèmes. Marie Lester s'affairait à aérer le maximum la pièce, secouant les lourds rideaux pour les rabattre sur le côté et jetant les mégots d'un cendrier abandonné à la poubelle.
Tout en s'affairant, elle continuait à se débarrasser des boites de restaurant chinois et les cadavres en verre de bouteilles abandonnées sur le canapé. « Ils vont être déçue, tu penses pas ? » Il se raidit, rien qu'en entendant le pronom utilisé. Ils, eux. Beurk. « On sera trois comme ça, enfin quatre, avec le mioche.» A l'instant même elle ramassait au sol une carte crème, irisée, où était noté en lettre doré le nom du petit garçon qui devait être son filleul, Thomas. Elle relava les yeux vers son frère, qui l'observait dans son geste sans avoir l'air de ressentir le moindre remord, la moindre culpabilité. Evidemment, puisqu'elle non. « Ils peuvent faire sans moi, j'avais mieux à faire... Je dois aller là-bas demain. » D'un geste du menton il désigne le téléviseur, bloqué depuis des semaines sur la chaîne d'information générale. Elle émettait un bruit de fond couvrant le silence que Wade avait créé. « Le procès du mutant Graham Lester, accusé d'avoir agressé son ex-épouse dans un excès de rage, aura lieu demain. » Le sujet passait en boucle sur les écrans de télévisions, l'affaire, déclenchait des tensions à travers le pays depuis que l'affaire avait attend les médias. Sur les écrans, les journaux, on retrouvait le visage de leur aîné, traqué, jugé par ces humains effrayés du progrès. Effrayés d'un avenir où une mutation génétique serait monnaie courante. Où leurs enfants seraient victimes de ces "malédictions" les transformant en ces monstres que l'on devrait abattre, plutôt que laisser filer. Dans une nouvelle gorgée de whisky, lâcha un soupir. Un de plus. « Te justifie pas avec ça Wade. On est tous impliqué dans ce qui arrive à Grammy, mais ne l'utilise pas comme excuse, je sais très bien, autant que toi, que c'est pas la raison pour laquelle t'y es pas allé. » La place dégagée, la blonde vint s'asseoir à ses côtés, face à lui, l'observe un moment. Elle fini par tourner la tête vers le visage familier sur l'écran, alors qu'il était traîné par des policiers à l'intérieur d'une voiture vers on-ne-sait-où. Une soudaine tristesse envahit la jeune femme qu'il fini par ressentir, sans en connaître la provenance. Peut-être par rapport au procès à venir, ou bien, maintenant qu'elle connaissait le secret de son cadet, peut-être était-elle capable de se mettre à sa place, lui, qui ne vit rien pour lui-même. Peut-être qu'elle avait fini par comprendre ce qu'il pouvait vivre, auprès des autres, partagés et forcé de sentir tout ce que les autres ressentent, mais pas lui. « Non. » Ça s'échappe de ses lèvres, ça sonne triste, c'est triste. Elle s'en veut un peu de l'avoir influencé et cette culpabilité, fini elle aussi par déteindre, bien avant qu'elle ne s'en rende compte. Tout était beaucoup plus simple, il y a quelques mois. Aujourd'hui cette famille et ce bonheur n'était plus qu'un château de carte écroulé, qu'elle tentait de remonter, morceaux par morceaux. Sans un mot il se rapproche d'elle et laisse sa tête reposer contre son torse. Automatiquement, ses bras l'enlacent et elle vint déposer une bise dans ses cheveux en bataille. Elle aurait envie de pleurer, mais ne pouvait pas se le permettre.
« Je t'aime petit frère. » Il ne lui répondra pas, elle le sait. Ce serait un mensonge de lui donner une réponse positive ou négative. Il n'en savait rien, n'était plus capable de le savoir, mais il devait toujours l'aimer, puis que ses mots ne le blessait pas, puis qu'elle était là pour lui et qu'il était là pour elle, pour eux tous. C'était bien le rôle d'une famille après tout, c'est pour ça qu'il irait témoigner demain également, pour le bon vieux temps, pour ces souvenirs d'une affection qu'il ne possédait plus. Marie sépara trois mèches de ses cheveux et commença a les tresser, comme elle le faisait souvent, comme elle l'avait toujours fait. Elle avait espoir que tout redevienne comme avant, que tout soit de nouveau simple. « Arrête, saleté. » Le grognement la fit sourire, pour une fois depuis ces derniers temps. C'était sa réaction habituelle, râler, pester, mais au moment où elle reprenait, il ne disait plus rien et la laissait faire. Comme au bon vieux temps.
i don't care if it hurts.
chapitre 3: juillet 2014
Ton voisin aux cernes aussi sombre que les tiens t'observais. Le regard vide, les yeux creusés dans un visage trop mince, beaucoup plus mince qu'avant. Comme toi. Comme toi, il n'avait pas de travail, pas vraiment d'activité, pas d'amis. Le licenciement l'a touché, suivit d'un divorce. Vous n'aviez rien, ni l'un, ni l'autre, hormis un appartement vide à l'odeur du tabac froid duquel il était difficile de sortir. Rien ne vous y motivait, ni le bruit de la ville, ni les gens s'y trouvant.
C'était encore plus vif ici que chez toi, la douleur, son humeur. Tu le connaissais sans lui avoir vraiment parlé en détail, tu connaissais son nom, lui n'a jamais cherché à savoir le tiens. T'as déjà rencontré ses parents, son ex-femme, les quelques amis ou personnes qui s'étaient souciés de lui et de toi, lors que c'est arrivé la première fois. T'avais pas besoin de parler avec lui pour savoir, t'entendais assez de bruits de couloirs, de voix à travers le sol et ses humeurs toujours aussi sombres te heurter sans que tu ne le veuilles. Tu lui as déjà sauvé la vie, une fois, lorsque tout d'un coup, tous ses malheurs ont arrêtés de te tourmenter. Lorsque tout d'un coup, tu n'avais plus rien entendu, alors que l'eau du bain coulait encore.
Du palier, tu entendais l'eau couler de nouveau, derrière vous. Tu connaissais cet état, tu l'avais déjà vécu il y a plus d'un mois. Tu savais très bien où ça allait, tu n'allais pas laisser l'eau se teindre de rouge encore une fois, ni assisté de nouveau au cri de la gardienne de votre immeuble qui avait ouvert la porte, sa peur, cette si violente peur te dépasser, te perdre, déstabilisante. Tu ne veut pas avoir peur. Tu ne veut pas arrivé de nouveau légèrement en retard, quand c'était fait, quand incontinent il attendant la mort. Tu savais que c'était pas la première fois, mais peut-être la dernière. La porte enfin ouverte, il te fixait l'air mauvais, fatigué de toi et ta capacité à être un peu trop ponctuel à son goût. Quelques part, il était perdu par ta faute, te trouvant tout aussi pitoyable qu'il pouvait l'être, mal rasé, les yeux rougis et tes cheveux, d'habitudes long, se battaient en duel, coupés trop court de façon asymétriques autour de tes oreilles. T'as tout coupé, d'un coup. T'étais fatigué, t'avais plus de force, tu servais à rien. Non. C'était pas toi, qui te sentait comme ça. C'est cette réalisation que tu as eu devant le miroir, et un robinet qui venait de s'allumer dans l'appartement sous le tiens qui te réveillas de cette spirale infernale. « Tu veux quoi ? » Sa voix plaintive, rauque et son soupire s'échappant te rappel ton propre malaise de ces derniers mois, il fuyait ton regard trop perçant, insistant. Il n'ose t'affronter, toi, envers qui il avait une "dette" si on en croyait la société. Il aurait préféré de rien te devoir peut-être, était en colère et pourtant, il t'a ouvert la porte : il voulait de l'aide.
Tes études terminées, tu as fait divers congrès, divers cours, conférences, débats sur le "problème" mutant. Pourtant, ton sérieux et ta légitimité étaient tachés par un vieux procès, par ton implication personnelle dans cette cause qui ne trouve pas de paix. Tu possèdes quelques part un bout de ça, un bout de génétique pouvant peut-être conduire à une branche mutante, puisque tu étais le frère d'un d'entre eux. Ton avis, alors, n'était peut-être pas aussi neutre qu'un autre chercheur, ta motivation, personnelle. TU tentes de faire accepter la mutation comme une suite logique des choses. Tu te montres, on reconnait parfois ton nom, ton visage encadré par tes lunettes épaisses et ta moue boudeuse. Tu aimerais que personne n'ait peur, qu'on ne traite pas les mutants comme des patients, des malades, mais comme des humains certes, différents, mais des humains quand-même. Si ils savaient que tu en étais un, ton avis ne compterais sûrement plus, ou seulement aux yeux des pro-mutants qui soutenaient encore tes recherches pour l'amélioration des conditions de vie et votaient pour que tu obtiennes ton budget de l'année. Si ils savaient, tu ne serais rien d'autres que l'un d'entre eux, une bête de foire pour certain de tes collègues, un progrès génétique, expérience pour d'autres. Deux tentatives et ton budget n'était pas accepté. Tes recherches, jugées inutiles, ont été abandonnées. Toute personne se serait sentit mal, déçu, ayant la sensation d'avoir gâché sa vie. Tu n'avais pas tout ça, ton courage n'a été ensuite mit à mal que par ton voisin, et sa propre baisse de moral, son manque de vie. C'était sa faute, uniquement sa faute si tu étais retombé dans la spirale de la mélancolie, s'attachant à toi, te collant bien plus souvent que tu le voudrais et t'enfonçant dans la dépression. Pourtant, tu ne lui en voudras pas, au blond à la trentaine passée. Tu ne pouvais pas lui en vouloir, pour entre capable de faire ce que tu ne pouvais pas faire par toi-même : éprouver. C'était contre ta façon d'être, contre ta malédiction même. Tu n'allais pas lui en vouloir, pas pour longtemps. Tes doigts resserrent l'encadrement de la porte, la colère que tu as provoqué en le dérangeant t'atteint, te chauffe. Tu ne dois pourtant pas te laisser dominer par ça, tu ne dois pas aggraver sa situation, t'es pas là pour ça, t'es pas une mauvaise personne Wade. « Tu dois l'arrêter . » Ta voix se veut aussi froide que la sienne. Tu luttes, contre ta colère, contre cette tristesse qui te murmure à l'oreille que tu ne vaut rien. Tu luttes pour trouver quelques choses autour de vous qui puisses contrebalancer, un sentiment positif, qui émanerait de n'importe qui autour de vous. Tu cherches, sans trouver. « Arrêter quoi ? » Il est trop prêt, c'est trop vif pour que ton cerveau s'en détache. « L'eau, arrêtes-là. » « Tu vas pas m'empêcher de prendre un bain. » Sa colère monte d'un cran, elle masque tout, même la tristesse. La rancœur le prend, t’étouffes. « Tu me prends pour un con peut-être ? » T'as jamais réussi à trouver quelques choses qui pouvait te détacher des autres, t'es condamné à ça, tu ne peux rien contrôler, même quand tu te concentres.« Mêles-toi de tes affaires mec. Ça te regarde pas. » Il tente de refermer la port mais ton bras et ton pieds l'en empêche. Tu forces, t'y mets toute ta rage, sa, rage. « Je me mêles de ce que je veux, Ok ? Et ça me regarde, ça me regarde très bien même. J'en ai marre de ressentir ce que tu ressens. J'en ai marre de sentir ta colère, ta tristesse qui te conduit encore à te taillader les veines dans ta baignoire, c'est bien ça, hein ? Tu allais le faire ? » Tes mots s'embrasent et tu es incapable de changer cela, t'abandonnes, tu te laisses porter par le courant dévastateur, le fléaux qui te donne la migraine et t'affaiblis, son maelstrom, sa faute. Il relâche la pression qu'il exerce sur le panneau de bois, te fixant avec des yeux ronds. De ta phrase il n'avait peut-être sélectionné que la fin, éludant tes propos sur ta capacité à le comprendre si bien. Comment savais-tu qu'il allait faire une nouvelle tentative de suicide, comment pouvais-tu ? « Attends t'as dit qu-. » Tu ne le laisse pas finir, t'en profite pour l’attraper par les épaule et le plaquer contre le mur de son entrée. « La ferme, d'accord ! Elle te mérite pas cette salope, t'es un type correct, gentil, t'as fait des études, tu vas te retrouver un job bien. T'as pas besoin d'elle pour y arriver, elle est conne et hypocrite. T'as pas a refaire cette connerie pour elle. Ni pour elle, ni pour ton job, ni pour rien d'autres. T'as pas le droit, parce que les gens qui viennent te voir, ta mère, ton père, ils t'aiment. T'as pas à leur faire du mal, juste pour une fille et un travail qui te méritent pas. » Tu le relâches, repassant sur le palier, tu l'as calmé d'un coup, tu t'es calmé d'un coup. T'as les humides, t'as envie de pleurer, mais tu te refuses à le faire devant lui. T'es censé être le plus apte à donner des conseils. T'es pas censé pleurnicher. « Si tu veux le faire, fais-le. Je vais pas t'en empêcher une nouvelle fois, mais pense à ce que je t'ai dit et vite ; La baignoire va bientôt déborder.» Il se retrouve vers son appartement et se précipite vers la salle de bain, dont il coupe l'eau rapidement avant de revenir vers toi, mais t'es déjà parti. « Mec ! Mec Attend ! Mec ! » T'as déjà grimpé les escaliers en partie et le temps qu'il vienne vers toi, la porte de ton appartement se claqua d'un coup.
La musique la musique. Elle résonne dans ton laboratoire hermétique, douce. Les murs épais et la porte trop lourde étouffaient le bruit de l'extérieur, de la vie de l'institut. Tu étais en paix, loin de tous, dans un monde que toi seul composait, toi et la boule de poils assise sur tes genoux que tu caressais de temps à autre, au point où son ronronnement couvrait le son de ta musique. Ton chat semblait être ton meilleur ami dans la vie. Un petit être que tu avais acheté en rejoignant l'institut il y a quelques mois et qui avait déjà doublé de volume depuis. Le chaton grandissait et avec lui, ton confort ici. Tu ne retenais plus tes sourires, tes bonheurs. Tu oubliais doucement ces mois passés dans ton appartement au profit d'un avenir ici où tu t'appliquait à rendre chacun heureux. Ils te demandent souvent comme tu allais. A cette phrase, tu ne peux d'empêcher de rire un peu, tout en répondant avec politesse que tu allais bien, retournant ensuite la question. Tu ne vas ni bien ni mal, jamais. Tu vas rien, comme toujours. Tu es Wade Lester, ce scientifique qui se force à sourire aux gens, qu'on pense incapable de faire du mal à quelqu'un, pas même à lui-même. Pourtant tu portes encore l’infâme cicatrice masquée par un tatouage imposant. Ton voisin, son humeur, sa première tentative. Personne n'en connaît la raison, peu la remarque, à moins d'avoir une excellente vision ou de t'avoir effleuré un jour. Tu vas toujours rien, te forçant à répondre ce « ça va » qui les laisserait indiférent. Tu mens très bien, tout ça pour un peu de bonheur touchant ton âme. Personne ne connaît ton pouvoir, ou si peu d'entre eux. Tu le caches assez bien, les années aidant et l'aspirine masquant un peu l'accumulation douloureuse que subissait ton cerveau. T'as toujours besoin d'un peu d'air, de nature. Le parc était un de tes refuges de secours, particulièrement tôt le matin et tard le soir, quand on n'entend que les oiseaux. Tu vis bien ici, tu n'as pas l'intention de partir. Il y a tellement de gens qui ont besoin d'aide autour de toi.
Tu chantonnes en suivant des yeux tes notes sur ton carnet. Tu cherches des idées, des solutions pour ces jeunes mutants qui avaient besoin de ton aide. Ils avaient besoin de toi, plus que pour quelques heures où ta main sur leur épaule soulageait le moindre de leur soucis. Ils avaient besoin de solution sur le long termes, de gadget, de simplification de leur quotidien. C'est pour cela que l'on t'avait offert ce poste, ainsi que ce budget. Cet homme en fauteuil roulant t'avais contacté par courrier pour te rendre ici, il avait discuté avec toi, il avait entendu parlé de tes difficultés avec le monde de la science. Il avait lu à travers toi, tu le savais, tu sentais les pics qu'il eu en lisant tes pensées, tes malheurs, tes questions. La situation lui avait même tiré un rictus, alors qu'il réagissait à ce qu'il décelais chez toi pendant que tu réagissait à ce que tu décelais chez lui, c'était un cycle sans fin. Plus de voisin suicidaire et ton frère, de nouveau là. Ta famille, c'est tout ce qui t'importais avec ton travail n'est-ce pas ? Petit à petit, ils devenaient tous ta famille, des gens de ton quotidien et toi du leur. Tu le sentais, c'est tout ce qui comptait. « Professeur Lester ? Professeur ? » Tu finissais par t'habituer à cette voix et les autres. Tu finissais par ne plus renvoyer les gens venant te déranger. Tu lèves le nez vers la jeune femme, te demandant pourquoi elle était ici. Il était surement tard, peut-être vingt-trois heures, minuit. Tu n'avais pas prit le temps de vérifier. « La salle à manger est vide, si tu veux manger quelques choses. » Elle sourit vaguement, à peine. Tu t'étais habitué à être tutoyé par tout le monde, que ce soit tes élèves ou tes collègues, si bien que Professeur Lester semblait pour toi réservé à ton frère aîné. Un truc la dérange, tu le sais, mais tu ne voulais rien dire, pas vendre aux autres ce pouvoir qui influençait tant ta vie. « D'accord, Merci.» Tu lui rends sa politesse en lui adressant un fin sourire. C'était devenu ton quotidien, paisible. Tu commences à te lever, laissant ton chat descendre de tes jambes avant de quitter la pièce, toi aussi. Enfin.