Thalia Bubble, je veux être un rayon de soleil

Je suis née en France en 1988. Dans le XIIeme arrondissement de Paris. Sur mon bracelet de naissance, il y a noté Thalia, 24/10/1988. Pas de nom de famille. Nada. Je n’ai même pas été déclarée.

J’ai été confiée à un orphelinat dans le Nord du pays quand j’avais environ 2 mois. J’étais sevrée, donc pas de problème pour me nourrir m’a dit la sœur Marie-Claire quand j’avais 5 ans. A l’époque je n’ai pas compris ce que ça voulait dire, mais c’est resté dans ma mémoire comme un détail important. J’ai grandi à l’orphelinat St Antoine jusqu’à mes 6 ans. L’orphelinat était tenue par des religieuses (je sais, on dirait le speech de Candi), il y avait pas beaucoup de sous mais ce n’était pas la misère non plus. Malgré ce que l’on pourrait croire, j’y ai vécu de belles années (aussi loin que je m’en souvienne). Les sœurs étaient gentilles (pour la plupart), les enfants aussi (pour la plupart) et je mangeais à ma faim (la plupart du temps).
Tous les ans, pour mon anniversaire, je recevais des cadeaux et même plus que certains enfants. Jamais de signature. Mais qui que cette personne soit, elle m'a envoyé des cadeaux, des petites attentions pendant une bonne partie de mon enfance. Je l'ai surnommé ma Bonne fée et, plus tard, lorsque j'ai découvert le roman Papa Longues-jambes, je lui ai donné ce nom.

Malheureusement, le problème de l’orphelinat, c’est qu’un jour ou l’autre, on doit le quitter pour aller dans une famille d’accueil. Je  n’avais non seulement pas de parents, mais aussi pas de famille du tout. J’ai donc été confiée à de parfaits inconnus, et quand je dis parfait, c’est juste une expression.

1993-1995, j’ai été dans une famille de pêcheurs, le papa passait son temps en mer ; la maman, le nez dans l’alcool et les bras dans les couches. Ils avaient déjà 4 enfants, tous garçons, Ça n’a pas collé dirons-nous. J’ai été retiré de leur garde quand le plus grand des fils a tenté de me noyer. Je peux dépeindre cet évènements avec une extrème précision mais inutile de le faire ici.
Je n'ai jamais compris pourquoi ils m'avaient adoptés : les allocs ? charité chrétienne ?

1996-1997. Une famille de ma classe moyenne, les Rémond, m’ont adopté parce que la mère était stérile. Résultat, 9 mois à peine après mon arrivée, elle m’était au monde des jumelles : Blandine et Hortense. Ils ont dit ne pas pouvoir me garder, que 3 enfants, ça faisait trop de charge…

1997-2002. Un couple normal, tous les deux banquiers, avec une fille nommée Morgane (2 ans de plus que moi) et un fils, Matthieu (3 ans de plus). La fille était une metalleuse qui m’a toujours pris pour son cendrier. Quand je le pouvais, je fuyais sa compagnie, tout le monde pensait qu'entre nous ,c'était l'amour. De vraies sœurs ! Matthieu, quand il n’était pas complètement stone, adorait me tripoter. Alors quand la police m’a retrouvé après ma 4eme fugue et a vu les marques de brûlures de cigarette et que je leur ai raconté toutes les petites « blagues » que Matthieu me faisait ou plutôt, faisait à mes seins…après ça, j’ai réussi à me prendre un appart en bossant comme une dingue en cours et en dehors.

J’ai quitté la France mon bac en poche et je me suis installé pendant 7 ans en Ecosse, j’y ai fait mes études et je suis parti pour les Etats-Unis.
J'ai pris le nom de Bubble, c'est une grosse symbolique pour moi, ça me représente. Je suis quelqu'un de petit, fragile mais de très coloré. Je me laisse un peu porté par le vent et je risque à tout moment de disparaître. J'aime bien cette définition. Une bulle, c'est joyeux, ça pétille et c'est un peu un élément enfantin. Tous les enfants ont déjà fait des bulles et c'est fou comme ce mélange d'air, d'eau et de savon peut rendre le sourire.

J’ai trouvé l’institut un peu par hasard, en écoutant les gens parler. Je suis petite mais j'écoute beaucoup et je me sens obligée de remercier les deux hommes qui m'ont parler indirectement de l'institut. Il faudra que je les retrouve un de ces jours.
Ici, je me sens bien, enfin chez moi. Il faut dire que toute ma vie, j’ai été balancée d’un bout à l’autre de la France, dans un tas de familles, qu’à l’école, j’étais non seulement l’orpheline mais aussi la fille bizarre, toujours glacée, au sens propre.

Evidemment, je pourrais m'apitoyer sur mon sort, dire que je suis la nouvelle Cosette. Mais je refuse de me laisser abattre. Parce que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, que je n'ai pas été totalement seule. Non, jamais. Il y a toujours cette main protectrice qui a veillé sur moi. Cet être qui, sans se dévoiler officiellement, a toujours cru que j'étais importante. Mon ange gardien de l'ombre.  Alors, autant pour moi que pour cette mystérieuse bonne fée, j'ai décidé de me battre. A quoi cela pourrait-il me servir d'être triste ? Ca n'est bon pour personne. Je veux devenir un rayon de soleil, ce petit quelque chose qui rend la vie plus belle.

Je peux paraître légère et fragile mais si je suis là avec le sourire, c'est bien que je suis forte. Parce que je vis et que j'avance. J'ai peut-être eu une vie complexe, j'ai peut-être été sensible dans les moments difficiles mais mes rires ne sont pas de la bêtise, ma légèreté n'est pas de ma naïveté, mes larmes ne sont pas un signe de faiblesse. Alors détrompez-vous, je ne suis pas une victime, encore moins une petite créature fragile et pathétique. Je suis forte et déterminée à vivre comme je l'entend.