Hé, ce soir j’te fais des crêpes et après j’te saute ❞ GARANCE

Je suis celle qui dit toujours au creux de ton oreille « t'as vu, je te l'avais dit ! », celle à qui on a dit de faire de sa passion son métier pour se payer un sac à main à mille balles, celle qui te donne des coups de pieds à l'arrière des genoux lorsque tu t'y attends le moins, celle qui balance les clés de son appart' à un inconnu, celle qu'on paye mais qu'on ne revoit pas. Garance de Montmorency, enchantée. On a essayé de m'y faire croire, à la famille parfaite. A ces parents bien sous tous les angles, sans cesse tirés à quatre épingles. Le pire, c'est que j'ai vraiment gobé leurs histoires, à ces cons. L'argent ne fait pas le bonheur, qu'ils disent. Ca fait vingt ans que je me coltine leur baratin alors qu'ils achètent le silence de chaque personne qu'ils croisent, qu'ils offrent du Van Cleef & Arpels à des types qu'ils ne connaissent à peine, qu'ils signent des chèques à demi-douzaine de zéros lors de galas de charité. La charité ? Connais pas. Et ces cons là, ils finiront étouffés par leur fric tellement ils sont radins avec leur propre fille. Ils allongent les billets pour étouffer des affaires d'adultère, mais pour acheter un sac à main à leur seule et unique fille, on lui donne un simple billet vert. Chaque jour on me répète de faire bonne figure, d'être charmante et polie en présence du gratin habituel. La vérité, c'est qu'à cause de la pingrerie de ces connards, je me tape leurs compères tout droit issus de l'aristocratie parisienne. Ou ce qu'on appelle communément "la haute". Ils font des allusions, des gestes, des œillades que je peux reconnaître et déchiffrer entre mille. Je sais parler leur langage de vieux pervers, je sais déceler le manque de sexe dans leur regard, je sais sonder leur moindre envie et désir. Ça a commencé par cet homme, un trentenaire assez attirant. Il avait tout pour plaire à le moindre femme en quête d'argent : une carrière au summum, un compte en banque bien garni et un regard de braise. Ce pauvre homme était si difficile à contenter qu'il était obligé de se taper au moins cinq nanas dans la journée. J'étais la dernière, celle qui ramasse les restes, certes, mais celle qui lui laisserait un souvenir avant de s'endormir dans sa suite vide de toute présence féminine. Je lui ai fait son affaire, comme une petite reine, j'avais à peine dix-sept ans. Il a cru que je ne savais pas y faire, que je resterai dans son lit jusqu'au petit matin, et peut-être même que je lui apporterai son petit-déj' au lit. « Ca fera 600 balles mon chaton » je lui ai dit avant d'aller fumer ma clope à moitié nue sur la balcon, avec vue sur le tout Paris. Je l'ai vu du coin de l’œil, lever son sourcil, étonné qu'une fille comme moi soit aussi directe. En sortant de l'hôtel, j'ai avalé deux comprimés de prozac pour oublier. J'ai vendu mon corps comme une vulgaire catin, au prix du pétrole, certes. En rentrant, mon mec du moment m'attendait et en redemandait. J'ai été gentille, c'est gratuit pour lui, question de principe. Il partageait mon lit depuis deux semaines, c'était bien trop maintenant. Je l'ai viré à trois heures du mat', et lui, il captait rien à ce qu'il se passait. Il s'est retrouvé sur le palier de la porte sans comprendre et depuis, je ne l'ai plus revu.

Il y avait ce gars, assis sur un carton toute la journée au pied de la porte de mon immeuble. Il avait pas l'air crasseux, il était rasé de près tous les trois jours et ses fringues n'étaient jamais les mêmes. J'avais du mal à croire qu'il avait un jour dormi dans une tente igloo sur le bord du canal Saint-Martin, mais bon, pourquoi pas ? T'y croirai, toi, si je te disais que j'étais une pute de luxe ? Ouais, peut-être bien, mais on s'en fout. Il est resté au moins six mois au pied de ma porte. Qu'est-ce qu'un bonhomme comme lui venait foutre dans une rue d'un quartier haussmannien, le genre de coin ou les habitants se foutaient royallement de l'argent parce qu'ils en avaient en masse ? La générosité, c'était pas dans leurs gênes alors je voyais pas pourquoi il s'obstinait à rester là et à regarder les talons de douze passer devant son nez sans jamais dire un mot. Mes doigts avaient lâché mon trousseau de clé devant ses yeux, et son regard innocent s'était levé sur moi. Pas d'étonnement, pas d'émotions en fait. Rien, j'avais un regard vide devant moi. Aucune satisfaction, aucune allégresse, rien. Devant ses prunelles creuses, j'ai failli lui dire d'aller se faire voir et de débarrasser le plancher. Puis finalement, « la douche est au bout du couloir, ta chambre ? la deuxième porte à droite. T'as intérêt d'être là à dix-huit heures, j'ai pas de double. Allez, à plus petit con ». Ce mec devait avoir mon âge, peut-être même une ou deux années de plus mais il avait l'air tellement gamin dans ses fringues de petit bourge que j'ai pas pu m'empêcher de m'adresser à lui comme à un gosse de dix ans. Je l'ai vu prendre la clé et se lever alors que je tournais à l'angle de la rue. « Merde, t'as tout dégueulassé la salle de bain et la bonne passe dans deux jours ! » Il me regarde encore de son regard vide à en faire pleurer un mioche. « Tu peux me répondre, j'vais pas te bouffer » je dis en m'approchant de lui. J'étais persuadée qu'il avait déjà fait le tour du proprio pendant mon absence et qu'il connaissait déjà tout de mes rentrées d'argent, et pourtant il semblait indifférent à tout ce que je lui disais. Bon Dieu, ma bonté me perdra, un de ces quatre !

Quel est ton avis sur Paris ? "C'est la plus belle ville du monde !" qu'ils disent. J'aimerai bien les voir, moi, se taper les bouchons sur le périph' à chaque heure de la journée, se faire aborder par un groupe de chinois tous les vingt mètres pour les prendre en photo devant l'Arc de Triomphe. Paris, c'est bien quand on y vit trois semaines, pas quatre. Comment es-tu entré(e) dans la prostitution ? C'est très simple. Un jour, mon père m'a confisqué ma MasterCard. Il a dit mot pour mot : "Fais de ta passion ton travail et après, on verra !" Le sexe n'est pas une passion à proprement dit mais vu que j'avais absolument besoin de fric pour acheter ce sac Fendi en lézard... J'ai joints l'utile à l'agréable ! Décris nous une journée de "travail" pour toi. C'est simple, je me lève d'un bon pied, je sniffe un rail et pour le reste, tout va comme sur des roulettes ! Non, sans dec', aucune journée n'est pareille, je ne saurais vous décrire ma journée type. Aimerais-tu sortir de ce milieu ? Non, c'est de l'argent facile, et j'aime ça. En plus, je fais des rencontres, de nouvelles expériences, je visite toutes sortes d'apart'. Sérieux, j'ai la belle vie ! Quel est le genre de client que tu as habituellement ? Il y a tous les genres. Du petit jeunôt qui veut avoir de l'expérience au trentenaire homo refoulé et frustré qui essaie d'oublier, en passant par le retraité qui n'a pas tiré son coup depuis trois ans et par le père de famille, à la carrière parfaite.

Eh, salut ! Bon alors par quoi commencer ? Je suis une personne merveilleuse bourrée de qualités (et de modestie). J'ai énormément de passions, et vu que je suis une éternelle insatisfaite, j'ai des lubies parfois effrayantes. En ce moment, c'est la planche à voile. Mais depuis toujours (ok, ok, on va dire quatre ou cinq ans), j'aime la mode et tout ce qui s'y rapporte. Les models, c'est mon dada, les créateurs aussi. Mes préférés ? Tom Ford et Micciua Prada, ouais, c'est comme ça écoute. En plus de vouer un culte à ces deux là, j'ai aussi plein d'admiration pour Karlie Kloss (et Josh Beech, et Lara Stone, et... ok, j'arrête). Ah oui, moi c'est Manon et j'ai seize ans. Et accessoirement, dans une semaine, je rentre en première s.