Ambre Scott : quand vivre est une aventure

Ambre est née fille unique au sein d'une famille sans histoire de la classe moyenne américaine. Bonne élève, elle a grandi dans les rues d'Orlando dont elle a appris à maîtriser les rouages et les codes. Ni peureuse ni trop téméraire, elle a toujours su vivre sans se mettre en péril. Sportive, elle a toujours eu besoin de se dépenser physiquement pour aller bien mentalement. Presque tout y est passé : football, base-ball, équitation, judo et juiji-tsu, basket, roller, vélo et j'en passe.
Son adolescence a été semblable à celle de milliers d'autres jeunes filles, rythmée par les cours, les examens, et les amours aussi éphémères que fantasmés. Non pas que la jeune fille ait été particulièrement prude, mais elle a su ne pas céder à la pression et préserver sa santé mentale aussi bien que son corps. Des amants, elle en a eu, en entrant à l'université de New York, dans le département d'histoire, grâce à une bourse qui récompensait ses efforts.
C'est là que la jeune femme a appris à se connaître et à se construire.
En apprenant le parcours de milliards d'autres personnes au travers des siècles, en lisant leurs questionnements, leurs peurs, mais aussi leurs idées et leurs certitudes, elle a pioché les éléments qui font d'elle ce qu'elle est aujourd'hui. Ne se retrouvant dans aucune religion, elle s'est forgée ses propres croyances ce qui en fait une agnostique, non une athée. Bref, Ambre a eu une vie classique jusqu'à l'année de ses vingt-trois ans.
Ce qui a tout changé ? Un amant peu délicat qui lui a brisé le coeur et lui a appris que la confiance est une chose qu'il faut se garder de donner trop hâtivement. Mais surtout, c'est la mort de son père qui lui a fait prendre conscience qu'on est bien peu de choses et que la vie est trop courte pour la passer à rêver. Oh, elle n'a pas tout lâché du jour au lendemain, son cheminement s'est fait progressivement. Mais c'est bien là que tout a commencé à évoluer pour elle.
Déjà, elle a ouvert les yeux sur l'Homme et sa propension à affirmer une idée pour mieux agir en totale contradiction avec elle. Les opinions, c'est bien. Les défendre, c'est mieux. C'est comme les convictions profondes, celles qui vous viennent des tripes, du fin fond de vous-mêmes et auxquelles vous ne pouvez pas échapper en vous regardant dans le miroir.
La certitude que sa vie ne lui suffisait pas, qu'il lui fallait plus, faire plus, donner plus, être plus, ça a été la première à la tarauder sitôt son diplôme en poche.
Rapidement, Ambre a compris qu'elle voulait enseigner et transmettre ce qu'elle avait appris au prix de longues heures de lecture et de réflexions souvent tâtonnantes. Sa bourse d'étude, s'avait été l'unique façon pour elle d'accéder à tout ce savoir, aussi se fit-elle un devoir de le transmettre, consciente que la chance qu'elle avait, peu l'auraient. Mais souvent la réalité ne concorde pas avec les idéaux et leurs valeurs. Dès son premier poste, la jeune femme s'est sentie perdue, face à des jeunes aussi insolents qu'intolérants, prompts à l'insulter et cherchant par tous les moyens à la faire tourner en bourrique, au mieux. Elle s'est donnée une année pour faire la différence, s'investissant après les cours dans des activités plus ludiques, dans des initiatives aussi épuisantes que vaines, sous les regards blasés de ses collègues aussi résignés que rébarbatifs. Alors elle a décidé de prendre sa vie en main et elle est partie.
Sa mère venait tout juste de se remarier, ce qui soulagea la conscience de la jeune femme qui, rejetant le confort de sa petite existence trop tranquille, s'embarqua dans un programme humanitaire, pour aller aider les plus démunis et pour, enfin, changer concrètement les choses. Il lui a fallu des tripes et de l'abnégation pour ne pas renoncer face aux obstacles, à la peine et à toutes les horreurs auxquelles sa vie américaine ne l'avait pas préparée.
Il est bien des gens qui s'indigneront de la faim dans le monde, de l'oppression des femmes et des jeunes filles, de l'accès impossible à la lecture, et de tous les maux que notre pauvre planète abrite malgré elle. Certains donneront de l'argent, pour mieux se dédouaner et mettre de la distance entre cette réalité et la leur, pour ne surtout pas la regarder en face. Et puis il y a les, très rares, personnes qui s'imposent de vivre selon leurs idéaux et non selon leurs besoins primaires ou les codes sociaux. C'est ainsi qu'Ambre a parcouru le monde, quatre années durant.
L’Indonésie tout d'abord, pour apprendre à des filles à lire et à écrire, les prémunissant contre l’esclavagisme d'un mariage forcé. Deux années de suite, le temps de mettre en place une structure qui lui survivrait et pourrait se passer d'elle. Sa propre personne n'important que peu, Ambre ne cherchant ni la gloire ni la notoriété. Mais c'est avec fierté qu'elle se souvient de la structure qui, aujourd'hui encore, fonctionne plutôt bien.
Puis l'Afrique où elle s'est embarquée dans un programme de protection des espèces marines, dialoguant avec les pêcheurs et les populations locales pour faire coïncider les besoins des uns et la survie des autres. Jamais elle n'aurait pensé que la capitalisme avait autant de prises sur l'existence des petits. Les conditions de travail, terribles, dans les mines de minéraux comme dans les grands complexes touristiques lui ont donné la nausée plus d'une fois et lui ont valu les foudres des autorités locales. C'est pour ça qu'elle n'a passé que sept mois dans le programme.
Eprouvant le besoin de retrouver son domaine de compétence, elle s'est retrouvée à Madagascar, auprès d'enfants, pour leur apprendre ce qu'elle pouvait avec le cran qui lui restait et le courage qui va avec. Ca a été une période heureuse où elle se contentait de peu mais recevait beaucoup. Une période d'amour et de partage, un temps où son idéal était atteint et où elle évoluait en totale adéquation avec elle-même.
Puis elle a repris sa route.
Sa dernière mission, elle n'en parle jamais. C'est à cause d'elle que la rouquine est revenue aux Etats-Unis. Confrontée à l'horreur totale et à la folie humaine dans ce qu'elle a de plus pervers, la jeune femme n'a pourtant pas cessé de croire en l'humain. Parce qu'elle a vu des gens se relever. Elle a vu le meilleur côtoyer le pire. Elle a vu ce que les certitudes peuvent accomplir, quand on les porte à bout de bras et qu'on n'y renonce jamais. Quel qu'en soit le prix.
Ce prix non plus, elle n'en parlera pas. Il se lit, parfois, dans son regard, lorsque la lassitude et la peine s'y égarent au gré de la fatigue et de l'inattention. Mais, si vous lui en demandez l'origine, un sourire effacera la peine et Ambre redeviendra celle qu'elle veut être : une femme pleine de forces et ouverte d'esprit. Celle qui a repris un travail d'enseignement à Los Angeles, au plus près des besoins réels des immigrés à qui elle enseignait l'anglais et un peu d'histoire, la leur, la sienne, celle de l'humanité.
Pour leur prouver que tout évolue sans se perdre.
C'est cette même femme qui a subi l'intrusion mentale involontaire d'une jeune mutante depuis les rangs de sa classe. Cette mutante qu'elle a protégée par instinct et qu'elle a tenté d'aider, en dépit du fait qu'elle lui avait fait un mal profond en réveillant des démons à peine enfouis. Cette mutante pour qui elle s'est dressée face aux émissaires de l'institut, consciente qu'elle ne pouvait rien pourtant, avant de comprendre qu'ils ne lui feraient pas le moindre mal. C'est là qu'elle a rencontré un homme comme elle et pourtant si différent : le professeur Charles Xavier. Dans ses idéaux, et dans les actes qu'ils ont engendré, elle a retrouvé une partie de son âme et c'est ce qui l'a poussée à tout quitter à nouveau. Il lui a paru important d'aider les mutants à comprendre ce qu'ils sont, c'est à dire des humains, quoi que certains en disent.
Cette nouvelle vocation n'est pas sans rappeler ses anciennes ambitions, mais elle laisse la jeune femme avec une boule au ventre qu'elle cachera du mieux qu'elle peut. Non pas qu'elle ait peur pour sa vie, elle a vécu (et de loin) des situations autrement périlleuses. Mais, pour la première fois depuis des mois, elle ne sait pas où elle met les pieds. Ca la trouble autant en bien qu'en pénible parce que ça la ramène à la nature même de son idéal de vie, celui qui la pousse à vouloir toujours progresser.
Ce dont elle n'a pas conscience, c'est qu'elle se lance dans cette nouvelle étape autant pour ses futurs élèves que pour elle-même : elle a un besoin, vital, de prendre sa place dans une structure, d'évoluer dans un ensemble plus grand qu'elle mais dont elle ferait partie. Elle a besoin de retrouver l'essence des relations avec autrui et ne plus se contenter de survoler les gens en passant quelques heures à leur expliquer la grammaire ou la conjugaison.
Somme toute, elle veut trouver sa véritable place et c'est un peu tout son parcours qui l'a menée jusqu'aux portes de l'institut.
Alors, oui, elle a peur. Mais la vie est une aventure qui ne vaut la peine de n'être vécue que pleinement.