Que dire de moi ? Je suis né le 4 Septembre 1990, à Jacksonville, en Floride, d'une famille issue de l'émigration irlandaise des années 1900. Mon père était chez les Marines, comme son père avant lui. Ma mère était infirmière dans l'armée. C'est comme ça qu'ils s'étaient rencontrés. Cliché, vous dites ? Sans doute un peu. Mais la suite l'est un peu moins, je vous rassure. J'ai grandi sur une base militaire. Entouré de tout cet ordre. De toute cette discipline. Inutile, donc, de dire à quel point je pouvais être sage, comme enfant ! Eh oui, le genre de garçon parfois rabat-joie. Mais bon, si je faisais ça, c'était pour, plus tard, reprendre à mon tour le flambeau. Est-ce que je faisais des efforts à l'école pour mes parents ? Un peu, c'est vrai. Comme tous les enfants je n'aimais pas trop voir mon père et ma mère en colère après moi. Mais il faut dire aussi ce qui est, mes actions allaient impacter mon avenir. Chose que je prenais très au sérieux. Bye bye les soirées. Bye bye l'alcool, la fumette et la drogue. Bye bye les filles. Je sortais de temps en temps avec mes amis, puis je me replongeais dans mes cours. Cependant, ce n'est pas la seule raison qui me poussait à m'éloigner un peu des autres. Vers l'âge de quinze ans, quand je m'énervais, comme tout bon adolescent en pleine crise, certains objets... explosaient. Ce qui était parfois dangereux. Bon. Je ne m'en suis pas vraiment inquiété, mais je préférais surtout éviter de me poser des questions à ce sujet. Jusqu'à ce que je finisse le lycée.
Je venais donc de finir le lycée. Les cours, les contrôles, tout ça, c'était derrière moi. J'étais en vacances, et je comptais bien en profiter ! Même si j'étais encore un peu fatigué par tout ça. Seulement, je m'égare. Je rentrais à la maison, le soir, sur mon vélo. Rien de bien inhabituel jusque là. J'étais un peu sur les nerfs. Petite dispute avec mes amis, qui comptaient aller faire la fête. Et moi qui refusai parce que je savais bien comment ça allait finir. La tête dans le caniveau au beau milieu de la nuit. Inutile de dire que ça a été un peu mouvementé comme conversation. Tapette, tafiole, pd, et j'en passe. Autant de charmants surnoms rien que pour moi ! Le pire c'est que sur certains points, ils n'avaient pas torts. Mais j'y reviendrai plus tard. À l'époque personne n'était encore au courant. Je rentrais donc chez moi, plutôt crispé. Et loin de me douter de ce qui allait se passer. J'ai ouvert la porte, que j'ai immédiatement claquée derrière moi, avant de me diriger dans ma chambre sans même saluer mes parents, devant lesquels je suis passé pendant qu'ils discutaient à propos de paperasses dont je me fichais pas mal. Sauf qu'ils sont venus me voir dans mon petit havre de paix. Et j'ai bien essayé de les faire s'en aller. En fait vu mon état d'esprit, plus ils restaient, et plus ça me cassait les... Voilà.
Mon père et ma mère ont passé au moins trois quarts d'heure à essayer de comprendre ce qui n'allait pas. Sauf que ça n'arrangeait strictement rien. Au contraire, je commençais à avoir envie de leur crier dessus et de casser quelque chose. Ce qui correspond à peu près au reste de cette soirée. En effet, ma mère, puis mon père, ont essayé de me prendre dans leurs bras pour me calmer. Grossière erreur. Déjà que je n'aime pas spécialement que l'on me touche, voilà qui avait suffit à faire déborder le vase ! Quelques objets se sont mis à exploser çà et là dans ma chambre. Ce qui était assez étrange. Et correspondait évidemment à ce que j'avais pu constater plus tôt dans ma vie. Mais là, c'était bien pire. J'assistais, impuissant, à l'explosion de presque tout ce qui se trouvait dans ma chambre, le tout dans un vacarme assourdissant. Et peu à peu ma colère a fait place à de la peur. Puis à de la tristesse. Il restait un semblant de rage. Mais uniquement envers moi-même. Je me suis donc recroquevillé sur mon lit, effrayé, ne comprenant rien à ce qui se passait sous mes yeux, tandis que mes parents quittaient ma chambre, effrayés. Je n'ai pas bougé jusqu'à ce que je n'entende plus de bruit. Ce qui était... Dérangeant.
Descendant doucement, je me mordais la lèvre en voyant la scène devant moi. Mes parents discutaient à voix basse. Ou plutôt, ils se disputaient. Et plus ça allait, plus j'avais envie de m'enfuir. De leur dire d'arrêter. Bref, de faire quelque chose. Mais je restais pétrifié tandis que j'entendais les mots " mutant ", " monstre ", " abomination ", " tuer ". Je ne prêtais même pas attention à qui pouvait bien les prononcer. Je ne savais pas ce que ça signifiait mais mes parents, eux, étaient au courant, visiblement. Ce n'est que quelques années plus tard que j'appris la présence de certaines personnes aux capacités exceptionnelles dans les rangs de l'armée. Ou plutôt sur des tables d'opération afin de les étudier. Comme quoi par le passé les Marines n'avaient pas été aussi bons que je ne le pensais. Quoi qu'il en fût, mes parents semblaient débattre pour savoir quoi faire de moi. J'étais vraiment un mutant ? Jamais je ne m'étais posé la question. En fait pour moi ce mot sonnait encore creux à l'époque. Quant à mes géniteurs... Je me suis caché au moment fatidique. Je n'en pouvais plus de les voir presque se battre par ma faute. Et je ne suis sorti de ma cachette que lorsque les hurlements de mes parents ont cessés. J'ai failli vomir en retournant voir où en était la situation. Étendu sur le sol de la cuisine, le corps sans vie de ma mère nageait dans son propre sang. Mon père semblait plus calme. Enfin... Plutôt en état de choc. Je ne savais pas quoi faire. Aller lui parler ? Mauvaise idée. Tout ça était de ma faute. Alors je n'ai rien fait. J'ai laissé la police venir. Je les ai laissé emmener mon père. Je les ai laissé le mettre en prison pour le meurtre de ma mère. Sans vraiment comprendre le pourquoi du comment de tout ça. Et je me suis laissé aller à raconter mes cauchemars à un psy pendant les trois années suivantes. Mais ça m'a aidé. Si bien que finalement, j'ai eu son aval pour m'engager chez les Marines. Une véritable fierté pour moi. Sans compter tout le symbole que ça représentait. J'étais déterminé à redorer le blason de ma famille. Pour mon père. Mon grand-père. Ma mère. Et c'est ce que j'ai fait en faisant tout mon possible pour aller le plus vite que je pouvais au combat. Histoire d'effectuer le genre d'acte héroïque qui me permettrait de regagner la confiance de tout le monde.
Le Moyen-orient. C'est un endroit charmant. Et je le pense vraiment. L'histoire de cette région est, à une certaine époque, d'une beauté absolue. Ce qui ne fait que me dégouter un peu plus de ce que nos contemporains ont fait dans ces pays. Quoi qu'il en soit, j'étais là-bas pour me battre et aider la population à récupérer un semblant de vie normale. Ma vie aussi commençait à redevenir normale. Qui aurait pu croire que je trouverais mon premier petit ami à l'autre bout du monde ? Un de mes collègues. Avec lequel je trainais depuis un moment. Et... Étant homosexuel (quand je disais que je reviendrai sur ce point), eh bien j'ai eu certaines vues sur lui. Ça a pris du temps, mais c'est devenu réciproque. On devait se cacher, oui. Mais au final ça valait bien le coup. Et bien que mon don était une sorte de malédiction la plupart du temps, avoir un amant me permettait d'évacuer le stress. De me détendre suffisamment pour ne pas déclencher de catastrophe. Enfin voilà. C'était bien le temps que ça a duré, on va dire. Parce que oui, dans la vie il faut des hauts et des bas. La suite des événements appartient malheureusement à la seconde catégorie.
Un jour où je suis resté au camp de base, mon petit ami est partit, lui, avec une équipe. Je ne me suis pas inquiété pour lui. J'avais juste hâte de le revoir. En attendant, je m'occupais du matériel. Et la journée passa bien vite. Ou tout du moins c'est l'impression que j'en ai eu. Sauf que c'était faux. L'équipe qui était de sortie revenait plus tôt. Blessée. Là. Là, je me suis inquiété. Et j'avais raison. L'homme dont j'étais tombé amoureux... Il venait de se prendre une mine. Il avait perdu ses deux jambes. Ça m'a tué. J'étais prêt à le soutenir. Mais je ne peux pas nier qu'au fond, j'étais à moitié mort. Et il l'avait remarqué. En rentrant au pays, pendant que je restai en opération, nous avons continué notre relation. Jusqu'à une lettre. Sa dernière. Il disait qu'il m'aimait. Qu'il ne voulait pas me forcer à vivre avec un infirme. À supporter ça pour le restant de mes jours. Et qu'il me quittait. J'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre, m'investissant dans mon travail pour oublier. Je me portais souvent volontaire. Pour tout et n'importe quoi. Comme si ma propre vie ne comptait même plus. Jusqu'à ce jour, il y a de ça trois ans.
Je faisais partie d'une équipe chargée de trouver et détruire des caches d'armes au beau milieu du désert. On venait de passer dix jours sur la route sans rien trouver. Seulement des pistes à suivre. Mais aucune cachette. Et on avait encore dix jours de mission avant de devoir faire demi-tour et retourner au camp de base. Alors on a redoublé d'efforts et, au final, on a réussit à trouver quelque chose. Le genre de chose que l'on appelle un piège. Une embuscade dans laquelle nous sommes tombés. Sur mes sept collègues, seuls deux personnes ont réussi à s'en sortir, en plus de moi. Et c'était... Étrange. Étrange parce que pendant les combats, à chaque collègue qui tombait, ma colère augmentait. Si bien que certaines explosions ont retenti. Blessant autant mes équipiers que nos ennemis. Voire les tuant. On a mis ça sur le compte de mines antipersonnel. J'ai compris après que c'était faux. J'étais complètement désorienté par les événements. Et pourtant je savais ce que je devais faire. Rentrer au plus vite. Alors, avec mes compagnons d'armes, nous avons marché dans le désert. Pendant trois semaines. Trois semaines à fuir ce qu'il restait de nos poursuivants en essayant de survivre. J'aimerais tellement oublier ce mois dans ma vie... Mais il ne cesse de revenir à moi. Tous les soirs ou presque.
Stress post-traumatique. Voilà le diagnostic. Retour aux États-Unis, la tête basse. J'avais honte oui. Et je me sentais mal. J'avais décidément tout raté dans ma vie. Entre ce qui était arrivé à mes parents. À mon ex. À mes coéquipiers. Et maintenant à moi. Je voulais pouvoir tout recommencer. Faire en sorte que les choses se passent différemment. Mais tout ce que je pouvais faire, c'était retourner chez moi et recevoir ma rente de la part de l'armée. Avec une médaille et une poignée de main. Je n'étais plus rien. Plus que l'ombre d'un homme qui avait voulu bien faire. J'ai repris les séances chez le psy. J'ai commencé un traitement de somnifères, au cas où je ne puisse plus dormir. Je n'arrivais pas à comprendre. Pourquoi moi. Pourquoi tout ça. Alors je suis allé à des réunions. Pour voir des gens comme moi. Discuter avec eux. Et ça m'a beaucoup aidé. Même si j'évitais de me rapprocher d'eux. Ou de qui que ce soit d'autre. Trop dangereux. Pour les autres comme pour moi. Enfin bref. J'ai passé plusieurs mois à me morfondre avant de retrouver, au fond d'un tiroir, une vieille brochure.
J'avais eu ce papier après la mort de mes parents. Institut Xavier. Je me demandais pourquoi on me l'avait donné. Alors j'ai tenté ma chance. Après tout, je n'avais rien d'autre à faire. Je suis donc allé voir ce qu'était cet établissement. Et j'ai été assez surpris. Surpris de trouver des gens comme moi. Des personnes spéciales. Qui parfois avaient vécues des choses pire que moi. Je suis resté quelques jours. Et j'ai fini par m'installer définitivement. Je me suis rendu compte que je pouvais apporter mon aide. À des jeunes et des moins jeunes. Mais aussi apprendre. En savoir plus sur ma capacité. Plutôt que d'éviter de penser à elle. Je commençais à me sentir bien. Vraiment. Et les choses sont devenues encore meilleures.
J'ai commencé à en apprendre plus sur mon pouvoir. Le mot " mutant " a finalement pris son sens pour moi. Enfin... Un peu plus que pendant ma mission au Moyen-Orient, je veux dire. C'était certes là-bas que j'ai fait le lien entre les mots de mes parents et ce que j'étais, ce que je suis, seulement, ce n'est qu'à partir du moment où j'ai fait la connaissance d'autres personnes dans mon cas, tout en développant mes dons, que j'ai pris toute la mesure de ce que ma nature impliquait. Est-ce que j'avais peur ? Oh que oui ! Les représailles des autres. La violence face à l'inconnu. Je ne la connais que trop bien. La preuve avec ce que mon père avait fait à ma mère. Était-ce pour me protéger ? Ou bien pour que je sois le suivant sur sa liste ? Je ne suis jamais allé lui rendre visite en prison pour le lui demander. Je crois qu'au fond, je n'ai simplement pas envie de savoir. En tout cas, maintenant je suis surveillant à l'Institut. C'est un petit travail qui me permet de donner un coup de main. Tout en rentabilisant mes insomnies quand je fais des gardes de nuit. Du reste, je me fais plutôt discret même si je m'entends généralement bien avec le personnel et les étudiants. Malgré tout je continue de garder des choses derrière mon sourire. Des choses... Personnelles. Ce qui est public, par contre, c'est tout le reste ! Sauf peut-être une chose. La peur. La peur que j'ai de perdre mon travail. De perdre le contrôle. De tout perdre. Encore.