Jordan - Where's the glory in making mothers weep?

Autour de toi le noir d'un placard fermé, l'odeur de poussière de vieilles chemises accrochées aux souvenirs qu'elles recouvrent, blanches, noires, vertes, violettes. Elles n'ont ni propriétaire, ni réelle histoire si ce n'est celle de ceux qui un jour l'ont mise pour s'admirer, se demander si elle plairait, changer d'idée, en mettre une autre... Jordan Marshall, c'est ton nom. Il est prononcé par cette voix d'homme qui te fait face, articulé par la lumière orangée d'une cigarette fraîchement allumée, dansant au gré des lèvres ornées d'une barbe a la couleur incertaine. Il fait trop noir. L'homme assis devant toi n'est rien de plus qu'une ombre de plus derrière ces vieilles guenilles, camouflé, caché. Et tu es là, gamin de seize ans, assis en tailleur, inconfortable, réconforté. Tu ne seras plus seul. Bientôt, ils viendront te prendre dans leur bras et prendront les rôles qu'aucun humain n'aura su jouer. Celui d'une famille, celui d'amis. Mais d'abord, ils doivent te faire confiance, savoir qui tu es.

Et tu dois tout raconter a cet homme au regard vide, cet homme qui t'inspire une confiance sans égale, une confiance non-fondée, mais une confiance néanmoins. Longue inspiration, tu te redresses sur ce tabouret de bois aux pattes atrocement inégales, remonte ta jambe pour déposer ton menton sur ton genoux. Ton regard fui, cherche les mots. Le silence est lourd et cette fois, il n'y aura que toi pour le briser. Et tu dois lui expliquer pourquoi tu as si peur de chacun de ses éclats.

Ça commence à Eskdale, en Nouvelle-Zélande. L'été bas son plein et le froid a envahit les terres de la ferme qu'à légué Henry Marshall a son fils, Avery, ton père. En cette année, 1999, la récolte avait été dure et les profits, minces. Dans le visage de son premier fils, Sean, jeune, insouciant et les yeux pétillants de Margaux, sa femme, enceinte -et pas qu'un peu!- se trouvaient le seul réconfort a récolter en ces temps dur. Le futur, l'espoir. Vint le jour J, le moment ou ta mère, jusqu'alors cette jeune dame aux cheveux de jais et au regard gris qui n'était autrefois qu'au sens littéral, se rendit a l'hôpital de Hastings pour y accoucher. N'en vinrent pas qu'un mais bien deux, le premier, héritant du jais de sa mère dans les cheveux et de l'ébène de son père dans les yeux. Jordan. Toi. Puis elle vint en deuxième, ta petite sœur, celle qui, même au ventre de ta mère, aura su recevoir plus que toi. Ses cheveux seraient pâles et ses yeux, toujours plus monochromes que ceux de Margaux. Maddison, ou Maddie, comme tu t'entêterais toute ta vie a l'interpeller.

Et dès lors, quand tu n'avais pas même de conscience propre, tu avais déjà tout gâché.

The promise that never was

- "C'est pas juste."

- "Oh, fais pas la tete, Jordan, c'est qu'un jeu."

Et pourtant, la tete, tu la fais, et tu la fais bien. Assis dans ces hautes herbes, le regard enchaine a la cascade d'or au regard joueur, tu te surprend dans la jalousie la plus profonde. Ta petite soeur, tu la detestes comme tu ta deteste, et tu l'aimes comme tu t'aimes, ni plus ni moins. Maddie, le symbole de ton bonheur, la cicatrice de ta honte. La jeune fille vient s'ecraser a tes cotes et laisse le silence d'une bourrasque de vent prendre le role d'arbitre dans cette lutte sans mots. Tu la fixes, elle te fixe. Et tout sort, comme ca. Du haut de tes huit ans, tu ne comprend pas pourquoi. Pourquoi elle a le droit de se coucher plus tard, pourquoi elle a le droit d'aller en voyage avec Sean et pas toi. Pourquoi maman l'aime plus que toi.

- "C'est pas vrai."

- "Si, c'est vrai!"

- "Non c'est pas vrai."

Elle te toise de son regard gris, et tu soupires, te retourne sur toi-meme pour lui faire dos, tout les deux allonges dans les champs de la ferme familiale. A nouveau, le silence fait rage et les mots qui devraient etre n'ont pas leur place dans la bouche de jeunes aussi insouciants. Inconscients.

- "Faut pardonner, Jordan."

Cette phrase te pique, te raidit mieux qu'un coup de batte en plein ventre. Mais tu ne dis rien et tu l'ecoutes, laisse sa jeune voix tracer ton futur.

- "Les grands pardonnent pas. Ils se rappellent de tout ce qu'on fait de mal, mais pas en bien. Ils se rappellent de leurs bobos mais ils oublient le reste..."

Et le pire, c'est qu'elle a raison. Atrocement raison. C'est parce qu'elle a mal au coeur que maman est aussi mechante avec toi. Froide, distante. Elle ne te bat pas, elle te leve jamais la main sur toi. Non, c'est beaucoup pire. Ca t'aurait peut-etre meme plu qu'elle t'accorde ce minime et pervers geste d'attention, mais le chatiment qu'elle t'a impose depasse la cruaute qu'un petit garcon comme toi puisse imaginer. Elle s'en fout. Margaux s'en fout completement. T'as pas le droit parce que t'as pas le droit, tu discutes et c'est dans ta chambre, tu discutes plus... et c'est parfait. Sean et Maddie seuls sont tes pilliers, ton frere et ta soeur seuls sont tes allies.

- "Je pardonne pas, Maddie."

- "Pourquoi?"

- "C'est... c'est trop facile.."

When nightmares bear names


T'as 12 ans, t'es desobeissant mais surtout insouciant. Les ordres de ta mere te passe si pieds par-dessus la tete puisque de toute facon, l'un n'attend jamais l'autre. Loin de t'en plaindre, tu t'es adapte.