She looked like a real model.
"Elle avait toujours eu l’air d’un mannequin. Pourtant elle n’en était pas un, loin de là, elle travaillait dans le domaine des assurances. Elle démarchait, à droite à gauche, et sa démarche était absolument splendide. Ses jambes brillaient sous la jupe de son tailleur. Ses mains étaient fines, le bout de ses ongles venait me gratter le crâne lorsqu’elle passait ses doigts dans mes cheveux. Bruns à l’époque. Elle les a toujours préférés bruns, mais elle ne l’a jamais avoué. Et puis elle avait un corps magnifique, déjà à l’époque je le savais. Je le voyais dans les rêves de mon père. Il la désirait, souvent, surtout quand il ne pouvait pas l’avoir, surtout quand elle s’éloignait de lui. Elle est toujours restée digne et forte, tête haute, épaule droite, taille fine et mains croisées. Elle me faisait peur parfois, mais je savais ressentir ses doutes. Je voyais tout ce qu’elle n’osait pas dire à mon père, au cœur de ses rêves. Et parfois elle me parlait, de tout et de rien, comme une démente parlerait à un fantôme. Digne, mais pas face à moi. Un mystère ambulant. Personne ne l’avait vu venir lorsqu’elle a quitté mon père, pas même lui.
Enfin, moi, je le savais. Des années qu’elle en rêvait. Certaines personnes ont des rêves récurrents, ils refont le même dans les moindres détails, et ça systématiquement à certaines période. Pendant plusieurs mois, ma mère rêvait de partir, de laisser mon père sur le pas de la porte de cette grande maison, et de s’évader loin. La suite du rêve se passait plusieurs semaines plus tard. Et elle était seule, sans doute aux Bahamas.
Ce matin là je mangeais mes céréales. J’avais quelque chose comme treize ans, trois mois et six jours. Je m’en souviens, c’était le 22 Septembre 2005. Jour maudit dans l’histoire de ma famille. Parce qu’on s’est levé avec mon père, et que ma mère était assise dans le salon, que ses valises étaient autour d’elle et qu’elle buvait un bol de café. C’était un dimanche. Elle ne boit jamais de café le dimanche.
Elle lui a annoncé qu’elle le quittait, et je voyais dans ses yeux. Je voyais bien qu’elle ne mentait pas. Parce que dans son rêve, il y avait ce énième départ, toujours le même, avec les Bahamas. Elle n’est jamais partie aux Bahamas, certes, mais elle est partie. Et en regardant mon père, j’ai compris que lui, il avait encore rêvé d’elle. Mais c’était fini, alors je les ai regardés parler, s’engueuler, ils ne m’ont jamais demandé de partir sans que je ne sache vraiment pourquoi. Alors j’ai tout écouté, et chaque mot reste gravé dans un coin de ma mémoire que je tente d’oublier. Mais bien évidemment, ce sont les cauchemars que l’on n’oublie jamais, les rêves les plus doux s’effacent avec le temps. Je les regardais sans un mot. Elle n’a pas tenté de se battre pendant plusieurs heures, elle a simplement fini par partir.
Plus tard il y a eu les arrangements pour la garde. Moitié moitié, deux vies à partager.
Je les ai haïs si fort.
Enfin, moi, je le savais. Des années qu’elle en rêvait. Certaines personnes ont des rêves récurrents, ils refont le même dans les moindres détails, et ça systématiquement à certaines période. Pendant plusieurs mois, ma mère rêvait de partir, de laisser mon père sur le pas de la porte de cette grande maison, et de s’évader loin. La suite du rêve se passait plusieurs semaines plus tard. Et elle était seule, sans doute aux Bahamas.
Ce matin là je mangeais mes céréales. J’avais quelque chose comme treize ans, trois mois et six jours. Je m’en souviens, c’était le 22 Septembre 2005. Jour maudit dans l’histoire de ma famille. Parce qu’on s’est levé avec mon père, et que ma mère était assise dans le salon, que ses valises étaient autour d’elle et qu’elle buvait un bol de café. C’était un dimanche. Elle ne boit jamais de café le dimanche.
Elle lui a annoncé qu’elle le quittait, et je voyais dans ses yeux. Je voyais bien qu’elle ne mentait pas. Parce que dans son rêve, il y avait ce énième départ, toujours le même, avec les Bahamas. Elle n’est jamais partie aux Bahamas, certes, mais elle est partie. Et en regardant mon père, j’ai compris que lui, il avait encore rêvé d’elle. Mais c’était fini, alors je les ai regardés parler, s’engueuler, ils ne m’ont jamais demandé de partir sans que je ne sache vraiment pourquoi. Alors j’ai tout écouté, et chaque mot reste gravé dans un coin de ma mémoire que je tente d’oublier. Mais bien évidemment, ce sont les cauchemars que l’on n’oublie jamais, les rêves les plus doux s’effacent avec le temps. Je les regardais sans un mot. Elle n’a pas tenté de se battre pendant plusieurs heures, elle a simplement fini par partir.
Plus tard il y a eu les arrangements pour la garde. Moitié moitié, deux vies à partager.
Je les ai haïs si fort.
She's looking to the wrong end of her telescope.
Rosemarie … Et ce nom résonne dans la salle de classe.
J’ai bien évité le regard de la prof quand je suis entrée en classe, pour ne pas voir son rêve de la nuit dernière. Et même à présent qu’elle m’appelle, je fais en sorte de ne pas la regarder droit dans les yeux. Je regarde son cou, ses lèvres, rien qui ne soit trop proche des yeux, ça me ferait déraper.
Elle me demande sévèrement de la regarder. Parce que je vais me faire engueuler. Parce que je dormais sans doute. Je n’y échappe pas, mon regard glisse vers ses pupilles. Et je vois tout, d’un coup.
Ca commence par un lit, sans doute le sien, un réveil qui sonne, et à côté d’elle, un homme. Je fais attention aux détails, il n’a pas d’alliance. Elle, elle en porte une. Donc, un amant, peut-être, ou alors le rêve l’aura effacé. Il veut l’embrasser, et elle l’évite, sans la moindre douceur, elle se relève et tombe. Elle tombe du lit, dans une armoire, une armoire sans fin qui était sans doute posée au sol. Je me laisse tomber un peu plus avec elle, et bordel elle tombe longtemps. Très longtemps. Elle atterrit sur un tapis de gym, en face d’une assemblée de jeunes hommes encore. Que des hommes, partout, et on lui demande d’exécuter une roue, simple comme bonjour. J’observe, les bras croisés, et le regard sévère, mais elle ne me voit pas, évidemment. J’entends les murmures désapprobateurs autour d’elle, et je sens l’air glacial contre ma nuque. Une porte, ouverte derrière elle. Et dehors, il neige. Je fronce les sourcils. Elle est incapable de gagner. Incapable de faire cette roue. Elle tombe encore, c’est le tapis de gym, il est mou. Comme un chamallow.
Et le rêve s’arrête. Elle me regarde. Visiblement elle m’a posé une question. Je la regarde avec le même air interloqué. Elle a peut-être trompé son mari, peut-être qu’elle était destinée à devenir une grande gymnaste, ou peut-être pas, peut-être que Freud raconte de la merde et que les rêves ne veulent rien dire. Voie royale vers l’inconscient mon cul oui, tout ça c’est l’cerveau qui travaille et qui patauge dans la semoule. Et croyez moi, il patauge sévère.
Elle me sort de cours, puisque visiblement c’est la neuvième fois en deux semaines que je dors dans ses cours (faut voir le cours aussi, sciences de la vie et de la terre, ô joie ô bonheur). Tant mieux, je récupère mes affaires, et je taille ma route, sans dire un mot, comme d’habitude. Je sais que Tommy a une heure de pause, et il va être avec sa clique, alors je sors, je m’allonge sous un arbre, je mets mes écouteurs, et je laisse le temps passer en rêvassant. Doucement, il s’évapore, et le rêve avec lui. L’impuissance de ma prof. Je suis la seule à voir les rêves. Je suis la seule à les comprendre. Et je la plains de n’avoir aucun contrôle sur ce qu’elle vit la nuit, de ne pas être capable de s’échapper à ce que lui impose son esprit. Petite vicelard.
Puis quelqu’un arrive. Il prend mes écouteurs et les retires directement. La musique s’évapore dans les airs, et j’ouvre les yeux, sans les poser dans les siens. Juste au dessus, sur le front. Je les pose sur lui, ce cher Tommy qui visiblement a quitté sa clique préféré pour interrompre mon moment de paix intérieur intense. Sale con. Je lance : « T’en as pas marre d’briser mes moments bénis de quiétude ? » Puis je lâche, dans ma barbe, histoire qu’il n’entende pas vraiment : « emmerdeur d’première j’te jure. » et je m’assied. Il fait de même, en faisant tourner le casque de tous les sens. Je le regarde, avec un air un peu éteint. Il commence déjà parler, avec son débit lent au possible. Ca lui va bien, ça lui donne des airs. J’imagine. Et je jette un coup d’œil en arrière. Je le regarde pas dans les yeux, je sais que je verrais son rêve et j’ai pas envie de briser sa vie privée. Il demande pourquoi j’suis pas en cours. Alors je réponds : « M’dame Swan, j’dormais dans son cours, tsais elle déteste ça. » Je marque un temps. J’peux bien lui en parler, à lui. « Pis t’sais elle a voulu que j’la r’garde dans les yeux, ‘lors forcément … Ca a rien donné d’beau. » Il en demande pas plus. Il change de discussion, pose des questions sur la semaine passée, chez ma mère. Je le r’garde et sourit vaguement : « un carnage. Un vrai carnage. » Et je reprends en détaillant. Et détaillant à quel point il a été insupportable, à quel point je l’ai cherché, et à quel point la situation ne s’arrangera pas de si tôt. Et je lui raconte mon rêve de cette nuit … Je lui raconte ce que j’ai fait, ce que j’ai créé. Il trouve ça fascinant, bien sûr, il a toujours été fasciné par l’omniscience onirique. C’était une fusée. Une fusée qui aurait pu aller sur le soleil … Une fusée tellement rapide et indestructible que rien ne lui aurait résisté. Les joies de l’omniscience somme toute.
J’ai bien évité le regard de la prof quand je suis entrée en classe, pour ne pas voir son rêve de la nuit dernière. Et même à présent qu’elle m’appelle, je fais en sorte de ne pas la regarder droit dans les yeux. Je regarde son cou, ses lèvres, rien qui ne soit trop proche des yeux, ça me ferait déraper.
Elle me demande sévèrement de la regarder. Parce que je vais me faire engueuler. Parce que je dormais sans doute. Je n’y échappe pas, mon regard glisse vers ses pupilles. Et je vois tout, d’un coup.
Ca commence par un lit, sans doute le sien, un réveil qui sonne, et à côté d’elle, un homme. Je fais attention aux détails, il n’a pas d’alliance. Elle, elle en porte une. Donc, un amant, peut-être, ou alors le rêve l’aura effacé. Il veut l’embrasser, et elle l’évite, sans la moindre douceur, elle se relève et tombe. Elle tombe du lit, dans une armoire, une armoire sans fin qui était sans doute posée au sol. Je me laisse tomber un peu plus avec elle, et bordel elle tombe longtemps. Très longtemps. Elle atterrit sur un tapis de gym, en face d’une assemblée de jeunes hommes encore. Que des hommes, partout, et on lui demande d’exécuter une roue, simple comme bonjour. J’observe, les bras croisés, et le regard sévère, mais elle ne me voit pas, évidemment. J’entends les murmures désapprobateurs autour d’elle, et je sens l’air glacial contre ma nuque. Une porte, ouverte derrière elle. Et dehors, il neige. Je fronce les sourcils. Elle est incapable de gagner. Incapable de faire cette roue. Elle tombe encore, c’est le tapis de gym, il est mou. Comme un chamallow.
Et le rêve s’arrête. Elle me regarde. Visiblement elle m’a posé une question. Je la regarde avec le même air interloqué. Elle a peut-être trompé son mari, peut-être qu’elle était destinée à devenir une grande gymnaste, ou peut-être pas, peut-être que Freud raconte de la merde et que les rêves ne veulent rien dire. Voie royale vers l’inconscient mon cul oui, tout ça c’est l’cerveau qui travaille et qui patauge dans la semoule. Et croyez moi, il patauge sévère.
Elle me sort de cours, puisque visiblement c’est la neuvième fois en deux semaines que je dors dans ses cours (faut voir le cours aussi, sciences de la vie et de la terre, ô joie ô bonheur). Tant mieux, je récupère mes affaires, et je taille ma route, sans dire un mot, comme d’habitude. Je sais que Tommy a une heure de pause, et il va être avec sa clique, alors je sors, je m’allonge sous un arbre, je mets mes écouteurs, et je laisse le temps passer en rêvassant. Doucement, il s’évapore, et le rêve avec lui. L’impuissance de ma prof. Je suis la seule à voir les rêves. Je suis la seule à les comprendre. Et je la plains de n’avoir aucun contrôle sur ce qu’elle vit la nuit, de ne pas être capable de s’échapper à ce que lui impose son esprit. Petite vicelard.
Puis quelqu’un arrive. Il prend mes écouteurs et les retires directement. La musique s’évapore dans les airs, et j’ouvre les yeux, sans les poser dans les siens. Juste au dessus, sur le front. Je les pose sur lui, ce cher Tommy qui visiblement a quitté sa clique préféré pour interrompre mon moment de paix intérieur intense. Sale con. Je lance : « T’en as pas marre d’briser mes moments bénis de quiétude ? » Puis je lâche, dans ma barbe, histoire qu’il n’entende pas vraiment : « emmerdeur d’première j’te jure. » et je m’assied. Il fait de même, en faisant tourner le casque de tous les sens. Je le regarde, avec un air un peu éteint. Il commence déjà parler, avec son débit lent au possible. Ca lui va bien, ça lui donne des airs. J’imagine. Et je jette un coup d’œil en arrière. Je le regarde pas dans les yeux, je sais que je verrais son rêve et j’ai pas envie de briser sa vie privée. Il demande pourquoi j’suis pas en cours. Alors je réponds : « M’dame Swan, j’dormais dans son cours, tsais elle déteste ça. » Je marque un temps. J’peux bien lui en parler, à lui. « Pis t’sais elle a voulu que j’la r’garde dans les yeux, ‘lors forcément … Ca a rien donné d’beau. » Il en demande pas plus. Il change de discussion, pose des questions sur la semaine passée, chez ma mère. Je le r’garde et sourit vaguement : « un carnage. Un vrai carnage. » Et je reprends en détaillant. Et détaillant à quel point il a été insupportable, à quel point je l’ai cherché, et à quel point la situation ne s’arrangera pas de si tôt. Et je lui raconte mon rêve de cette nuit … Je lui raconte ce que j’ai fait, ce que j’ai créé. Il trouve ça fascinant, bien sûr, il a toujours été fasciné par l’omniscience onirique. C’était une fusée. Une fusée qui aurait pu aller sur le soleil … Une fusée tellement rapide et indestructible que rien ne lui aurait résisté. Les joies de l’omniscience somme toute.
My eyes are rolling to the roof darling.
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