vie d'ange (tybalt)

◊ 001. Il y a ceux qui portent des t-shirts, des manches longues, là, pour cacher les marques. Il a bien essayer, Tybalt, les matins où ses bras étaient vifs et rouges, où les mots étaient sanglants ; ça n'a pas duré. Il n'aime pas le frottement, c'est comme une cage, même légère, qui se referme contre lui. Il n'en a rien à faire, Tybalt, ou du moins, il le laisse croire. Les bras à nus, les plaies à vue, il observe droit devant sans porter attention aux regards des gens, aux murmures environnants. Il essaie de ne pas s'en soucier, et pourtant, il est là, toujours, malgré le regard ailleurs, à écouter les paroles poisons. Et quand la porte se ferme, là, derrière, quand les voix cessent et que les visages disparaissent, Tybalt baisse la tête, un peu, le cœur au bord des lèvres. Il y a ce souffle tremblant, un peu conséquent, qui s'évade. Une petite envie, au fond, de pleurer comme un enfant. Jamais il ne le fait, pourtant. C'est trop idiot, trop con, trop emmerdant. ◊ 002. Rebelle. Petite frappe. Délinquant à deux balles. Elles sont multiples, les insultes, les compliments, là, à son égard. On le voit comme une brute, parfois, malgré son coeur d'enfant, ses yeux cernés, son corps tremblant. Tybalt, il a beau être tatoué, il a beau avoir les sourcils froncés, le corps braqué, c'est un enfant qui ne fait que trembler. Un coeur trop fragile et trop à vif, caché là, derrière un mur. Celui qui ne parle pas, non pas parce qu'il juge les gens sans intérêt, mais car il ne parvient pas. Tybalt, il a la bouche pâteuse, les mots qui s’emmêlent et le coeur qui s'affole. Tybalt, il n'aime pas attirer l'attention. Il est souvent perdu, un peu trop souvent sur la défensive, oui, mais ce n'est pas pour attaquer les gens. C'est un chaton blessé qui se défend, avant même d'avoir été touché. Un chaton effrayé.  ◊ 003. Tybalt, il a souvent les prunelles tournées vers la fenêtre. Il l'ouvre même en hiver, la fenêtre, qu'importe le froid, qu'importe les autres. Il aime le soleil, contre ses traits, la vague du froid, le souffle du vent. Il aime l'herbe, entre ses doigts. Il ne supporte pas les portes, les murs, l'enfermement. Il ne supporte pas, non, rester trop longtemps au même endroit. Tybalt, il fait son sac, souvent, il fait son sac et puis il part, tout bonnement. Quelques heures, quelques jours, assez pour sentir sa liberté, pour ne pas avoir cette impression d'être enfermé, et puis au final, il finit toujours par revenir.  ◊ 004. Il est là, comme un gros chat. Il est là, les pieds sur le bureau, le livre entre les doigts. Il est toujours là, Tybalt, à grogner, à soupirer quand on vient lui proposer. Il grommelle tout bas, dit qu'il ne veut pas, non, faire quoique ce soit, et pourtant, il y a ce sourire, juste là, au coin de ses lèvres, et puis une petite lueur douce, au creux de ses yeux. Tybalt, il est bien, au milieu des gens. Il ne le montre pas, tout bonnement. Il jure, insulte, se plaint, fait l'enfant;  c'est peut-être comme ça, au fond, qu'il montre son affection. Les jolis mots, de toute manière, ça le ferait pleurer.  ◊ 005. Ils sont toujours là, éternels, contre sa peau. Toujours là, oui, pendus à son cou, serrés contre ses doigts, accrochés à son oreille. Tybalt, il a quelques objets, quelques bijoux, tous et chacun avec son histoire propre, dont il ne se sépare pas.  Il y a ces deux fines cordes, là, autour de son cou, anneau de clé y pendant, dénudés de quoique ce soit, pourtant. Peut-être y verrez-vous une clé accrochée une fois de temps en temps, mais elles s'en vont toujours, car jamais demeure il ne trouve. Il y a, juste là, une plume noire, pendue à son oreille. Souvenir de maman, bijou volé pour avoir un léger souvenir de son existence. Et puis sans oublier juste là, sur ses doigts, quelques bagues volées, bijoux trouvés.   ◊ 006. On a beau juger, on a beau parler, il est important de savoir que le petit, malgré ses tatouages, malgré sa vie d'antan, dans la rue, il n'a jamais pris de drogues, ou du moins rien de très fort. Il se contente de la fumette pour libérer son esprit, mais il ne peut s'empêcher d'être dégoûté par le reste.  ◊ 007. Chocolat et pâtisseries, c'est bien la meilleure manière pour atteindre son coeur. Ses yeux brillent soudain et son ventre crie famine ; Tybalt en est amoureux, tout bonnement. Vous le verrez les doigts tachés, les lèvres chocolatées. Le matin, il est là, nutella à la main, chocolat chaud dans l'autre.  ◊ 008. Amoureux des mots, amoureux des phrases. Il n'avait pas d'argent, avant, pour se plonger dans les livres. Il lisait, parfois, ceux qu'il trouvait dans les rues, dans les brocantes. Dans la bibliothèque, toujours, souvent, on le trouve, maintenant. Un livre à la main, un livre dans la poche.  ◊ 009. Il ne peut s'empêcher d'être mal-à-l'aise lorsque sa main s'agite et commence à écrire en public. Il se trouve que, dans certains cas, la situation peut se trouver plutôt embarrassante aux vues de l'outil d'écriture que choisit subitement sa main. Par le même fait, il cache toujours les écrits ou les dessins que son pouvoir fait apparaître. Il lui ait même déjà arrivé d'enfouir un papier dans sa bouche - et de le mâcher, malgré le goût écœurant - pour ne pas que les autres le lisent.  ◊ 010.  Il y a ce tic, là, celui que l'on voit dès la première fois. Ses dents qui s'enfoncent dans sa lèvre, qui croquent et qui la malmènent. Il ne peut s'en empêcher, Tybalt, qu'importe ce qu'il est en train de faire. C'est bien pour ça qu'il a toujours un baume à lèvres au fond de ses poches. ◊