I'm no princess, I have a freaking halberd !

« Non maman, je ne me drogue pas ! Et non je ne fais pas partie d’une secte ! … Comment ça t’as entendu des trucs bizarres sur l’institut ? … Non mais il faut que tu arrêtes d’écouter la vieille Thompson, cette folle pense qu’elle a été l’un des Apôtres de Jésus dans une ancienne vie. Ecoute maman, je vais très bien, les gens sont géniaux, j’y apprends plein de choses … Tu devrais vraiment renouveler ta prescription pour le Xanax maman … » Et je raccroche après avoir levé les yeux au ciel. Bon. Au tour du paternel. Tapotement sur le clavier tactile du téléphone, mon bruit favori. « Allô papa ? Oui ça va et toi ? QUOI ?! Tu doutes de moi toi aussi ?! N’écoute pas maman et empêche la de voir Miss Thompson, elle a une mauvaise influence sur elle … Non ce n’est pas un garçon qui m’oblige à rester à l’institut, j’aime vraiment y être, c’est tout ! … MAIS NON JE SUIS PAS ENCEINTE ! … Non ce n’est pas non plus de la drogue ! Ecoute c’est vous qui devriez fumer un joint pour vous détendre un peu et me faire confiance et me foutre la paix ! … Ah non, ne commence pas avec tes « jeune fille » vieil homme ! Faites moi confiance, point barre. » Et je raccroche aussitôt. La conversation s’est bien passée, je suis satisfaite. Généralement c’est pire. On se dit beaucoup de choses horribles dans cette famille, mais on s’aime c’est le principal.

Il est beau, il est classe, j’adore son sourire. Ce mec, Aydan, il est parfait mon rendez-vous Tinder. J’imagine notre nom de couple Solan ? Ayra ? Poétique ! Il me parle de sa vie, je le regarde, je l’écoute, intéressée. De beaux yeux d’un bleu très clair, des cheveux bruns un peu en bataille mais sans trop faire négligé, un style vestimentaire à mon goût. Plus grand que moi. Quand on fait 1m53, ce n’est pas vraiment difficile. Il ne vient pas d’une famille riche, il a un job dans un cinéma, et c’est parfait. Les fils à papa, je les supporte pas. Les mecs qui sont moins riches que moi essayent toujours de se démener pour me satisfaire, c’est peut-être pour ça que je ne cherche plus de prétentieux richoux qui conduisent la Lamborghini de papa. Finalement, il me demande de lui en dire plus sur moi. Il me demande littéralement de lui raconter ma vie, qu’il veut tout savoir sur moi. Mon visage s’illumine. Je bois une gorgée de mon starbucks, un latte grande. Et je le perds.

« Ma famille vient de France, ils étaient célèbres là-bas, des descendants d’une famille de nobles puis d’aristocrates. Du coup on a toujours eu un héritage considérable et des postes importants sans rien faire. » (Oui, c’est prétentieux ce que je dis. Et je m’en veux croyez moi. Mais ce sont les faits. Je ne vais pas embellir l’histoire ou la rendre moins intéressante et mentir. Non, je suis honnête.). Le fameux Aydan mate mon décolleté, je souris. « Mes yeux sont plus haut. Je suis née à Los Angeles, j’y ai vécu longtemps. Puis mes parents ont trouvé un meilleur job à New-York quand j’avais genre … quinze ans. Ils possèdent une chaîne de restaurants by the way. Un truc de sushis. Du coup j’y mange gratuitement avec mes amis, je t’y emmènerai si tu veux. » (En disant ça, je vous assure que j’ai les meilleures intentions du monde. Je ne veux pas me vanter de pouvoir manger gratos, je veux juste qu’il sache qu’il me plait assez pour que je l’invite sans qu’il ait à payer comme tout bon gentleman.). Il reluque mes jambes, je souris à nouveau. « Du coup je vis à New-York depuis dix ans maintenant. C’est cool. Moins cool que LA, mais cool quand même, tu vois ce que je veux dire ? Là j’étudie dans un institut pour surdoués. Je ne dis pas ça pour me vanter, hein. C’est juste qu’il s’appelle comme ça, il y a le mot « surdoués » dans le nom de l’institut. Mais je me rends compte que je bosse trop, que je ne sors pas assez, que je ne rencontre pas assez de gens en dehors de l’institut. Surtout des garçons. Alors voilà, Tinder était parfait pour y remédier. » Je rajoute en souriant, croisant mes jambes de l’autres côté pour qu’il m’écoute enfin avec attention sans me mater sans aucune discrétion. Ah les mecs ! #Ilsnepensentqu’àça.

Je passe la partie sur ma mutation. Je ne vais pas lui dire que je suis mutante, ni le bobard que j’ai servi à mes parents sur le fait d’être hantée par un fantôme. Encore aujourd’hui ils en parlent à la vieille Thompson, un jour elle dira à mes parents de m’exorciser la vieille bique #Burnwitchburn #DiscoInferno. Je me vois mal lui expliquer qu’un jour j’ai fait léviter des objets comme s’ils avaient une conscience, que j’ai dû porter des gants pendant des années en attendant d’apprendre à contrôler mon pouvoir, que j’ai prétendu être hantée par un esprit pour couvrir ma mutation. Ni même que j’ai une hallebarde pour me défendre. Non ! Si je lui dis ça il sera là en mode « Girl, you psycho ! Bye bitch ! ». Et je serai trop triste et humiliée. Aydan me sourit et il me prend la main. « Bah dis donc, j’aime pas les princesses d’habitude, mais toi c’est différent, tu me plais bien. Tu veux qu’on aille manger sushi ce soir du coup ? » Me dit-il avec un sourire à la One Direction. Mon visage se décompose. Il a osé m’appeler « Princesse ». Je me lève, je prends mon sac, mon gilet. « Les sushis tu peux te les foutre au cul. » Et je m’en vais. Je suis une princesse maintenant que j’ai été vulgaire ?! Prends ça dans l’égo ! J’ignore ses jérémiades et utilise mon téléphone pour appeler un Uber. Pendant le trajet du retour, je ne peux pas m’en empêcher, je me sens physiquement mal de me retenir. Je dois me lâcher. Je dois le faire. Allez … Je cède, je tweete. « Je viens d’avoir THE WORST TINDER DATE EVER. Pourquoi les mecs sont aussi peu respectueux ?! Je l’ai largué en beauté ! #MarredesConnards #Sorrynotsorry #ForeverAlone ». Et merde … Plus de 140 caractères. Quelle journée pourrie #VDM.