Until it sleeps

« Ta place est ici, Wade. »
Dans ta tête, sa voix résonne comme un écho qui ne veut pas se taire. Elle se répète inlassablement comme pour essayer de te convaincre de sa véracité malgré tes doutes. Voilà quelques temps que tu étais revenu, provisoirement. Au départ tu ne devais récupérer que ton chat et quelques affaires abandonnées sur place, puis Seven avait insisté pour que tu restes, puis Charles Xavier t'avais convoqué dans son bureau, noyant tes rêves de ne plus jamais revenir derrière cette phrase dont tu doutait tant. Ta place n'était certainement pas ici, d'après ta propre expérience. Elle était ailleurs, dans le grand monde, dans une petite maison où le vent la frappant maintenait l'air à une température fraîche à tout instant.

L'air frais de ta maison imaginaire était semblable à celui de cette pièce, glacial, envoyé par la climatisation au plafond qui émettait un cliquetis irritant aux oreilles de ceux qui étaient déjà rentrés ici. Dans ton sanctuaire tu étais à l'aise, chez toi. Tes lunettes sur le nez et tes cheveux attachés avec un stylo quelconque, tu te baladais en t-shirt, quelque chose qui déjà est exceptionnel, toi qui passe ton temps à te cacher sous tes chemises rayées semblables à celle de ton frère aîné. De retour dans ton laboratoire, tu continues à trier tes affaires, tes recherches, dossiers en tout genre que tu ne range jamais d'ordinaire trop obsédé par ton cas scientifique pour perdre du temps là-dessus. Aujourd'hui, tout ça, ça n'a plus la moindre importance à tes yeux, si on peut dire qu'elle en avait autrefois. Tout ce que tu rangeais n'était qu'un ramassis de résultats in-concluants, poussiéreux, que tu déplaçais dans un coin au cas où cela soit utile au cas d'un étudiant un jour.

Que dire de plus sur toi à ce moment là de ta vie. Tu ne vas certainement pas bien, malgré le sourire que tu te forces à afficher aux autres. Les maux de tête que tu ressens continuent à être noyés sous des anti-douleurs qui font plus ou moins d'effet sur toi. Tout le reste était diablement ordinaire, un silence que seul tes pensées et ton chat, miaulant, cherchant ton attention en se frottant contre tes jambes, troublaient. Enfouit au premier sous-sol alors que dehors le soleil frappait de ses rayons le parc luxuriant, tu profitais de ce divin repos soulageant ton esprit.

Mais comme souvent, ta paix est de courte durée. Bientôt une présence vint déranger ton havre de paix, qu'il s'agisse de quelqu'un venant te voir ou simplement passant dans les couloirs tu te crispe en entendant la tête tourmentée du jeune homme à l'extérieur. Pourquoi les élèves stressaient autant, tu n'en savais rien, mais ils n'arrangeaient pas tes affaires, c'était clair. Tes doigts déjà tremblants chavirent de façon tout à fait visible désormais, pendant que ton cœur s'empare d'une panique qui ne lui était pas profitable et contre laquelle tu te devais de luter en respirant le plus calmement possible. Ne pas te laisser happer par tes pensées, c'était la priorité jusqu'au départ de l'ombre. Ne pas penser, ne pas ressentir. Tu te détaches comme tu peux, occupe ton esprit en lisant avec attention le papier sous tes yeux en attendant que la personne s'en aille, mais non. Elle demeure présente, et s'arrête même devant ta porte il semblerait. Puis non, elle repart, puis réapparaît. S'en suit alors un moment où ton pouvoir se met à dysfonctionner sévèrement. Tu ressens, ne ressens plus, ressens, ne ressens plus à l'infini. L’événement provoque un nouveau mal de tête féroce, où ton cerveau n'arrive plus à comprendre ce qu'il se passe et se met à surchauffer. Voilà ce qui arrive, lorsque des centaines de personnes croisent ta route. Même si la situation c'était améliorée (on dira ça comme ça, tes migraines et des maux de crânes en sont pourtant les effets secondaires) cela restait tout a fait ingérable et la sollicitation trop fréquente de ton cerveau entraîna un énième saignement de nez que tu essuies avec ta main, priant derrière tes lunettes pour que ça s'arrête.

La porte s'ouvre soudainement sur un élève, qui, sans même commencé par un bonjour, te déballes à toute vitesse son problème avant de se mettre à soudainement clignoter, puis à pleurer. Ce n'était donc pas ta mutation qui avait décidé de te faire tourner en bourrique, c'était lui qui se téléportait comme il venait de t'en informer. Malgré ton empathie, parfois, savoir quoi faire pour consoler quelqu'un n'est pas dans tes cordes. Bien entendu la solution facile serait d'utiliser tes pouvoirs, mais ils ne sont pas une solution à long terme et tu as déjà vu les dégâts qu'ils peuvent causer, quand on y devient accros. Tu inspires fort et pose tes lunettes sur le comptoir, avant de relever la tête. « Commence déjà par respirer veux-tu ? Je sais que l'infirmerie est au même étage, mais j'aimerais éviter que tu fasses une syncope dans mon labo. Je ne peux pas t'aider si tu ne te concentres pas pour rester sur place non plus. » Tes mots sont calmes, malgré ses humeurs bouillonnantes qui se répercute sur toi. Avec le temps tu as appris à ne pas laisser les douleurs des autres te faire pleurer toi aussi, la plupart du temps. Si les larmes sont au bord d'être versées, tu les retenais, masquant le tout derrière ce sourire à l'air franc, qui ne l'était pas, et des mots calmes, sans que ta voix ne se brise. L'expérience. Voilà ce qui rendait tout ça possible, l'expérience et l'habitude d'y être confronter au quotidien. « Tout va bien aller, d'accord ? Je vais essayer de t'aider. Mais calmes-toi d'abord veux-tu ? » En général avoir quelqu'un de calme avec soit aidait à calmer les autres. C'était une théorie, mais si  cela ne suffisait pas tu devrais sûrement passer à la manière forte, sans en avoir envie.« Tes déplacements intempestifs, ils ont toujours été là ou bien c'est seulement maintenant que ça n'en fait qu'à sa tête ? »  dis-tu, pendant que tu te déplaces de quelques mètres pour prendre un mouchoir, avec lequel tu essuies tout d'abord ta main, puis ton nez. Sans trop bouger la tête, pas trop vite.... sinon il était clair que ton petit déjeuner finirait sûrement sur le sol en carrelage gris. Faire comme si tout allait bien et ensuite rendre son petit déjeuner, on avait vu mieux comme message pédagogique. Tu attendais sa réponse et un peu plus de calme, si possible, pour savoir comment réagir.