Ce rêve bleu...

S'il y a bien une chose dont j'ai horreur quand je nage, c'est d'être dérangé. Tous ces gens qui crient et se bousculent autour de moi. Je préfère de loin la tranquillité des eaux calmes d'une mer paisible et fraîche. Enfin... quand j'ai la mer sous la main. Sinon, je prends le choix par défaut, à savoir la piscine. Non pas que je n'aime pas la piscine. C'est juste... différent. Enfin bref ! En tout cas je suis heureux d'avoir pu négocier un accès au lieu dans la nuit. Cinquante mètres d'eau douce et claire rien que pour moi ! Le tout éclairé par de somptueux reflets bleutés. Mon Dieu que j'aime nager dans ces conditions ! Et ce soir encore plus que les autres. Tout simplement parce que j'ai enfin compris comment on règle la température de l'eau. Le thermostat est encore plus compliqué à déchiffrer que des commandes d'avion de chasse. Mais je me passerai de faire la remarque auprès des concernés parce que sinon je peux dire adieu à mes bains de minuit. Et j'y tiens trop.

Cette nuit, impossible de dormir. J'ai beau me tourner et me retourner dans mon lit, rien n'y fait. J'ai changé trois fois d'oreiller, toujours rien. Alors au bout d'un moment je me suis dis que le seul moyen pour moi de trouver le sommeil était de m'épuiser. Ni une ni deux je me suis levé, j'ai attrapé mon maillot de bain pour l'enfiler, et je suis parti à la piscine ! Après avoir fait demi-tour en m'apercevant que j'avais oublié ma serviette... Du coup, si quelqu'un a vu un mec à moitié à poil se balader dans les couloirs cette nuit... bah c'était moi. Mais bon je pense que tout le monde commence à avoir l'habitude. Et personne ne s'est jamais plaint. Puis je fais gaffe, quand même, hein ! Quoi qu'il en soit, j'ai ensuite lutté contre le thermostat de la piscine, pour enfin, ENFIN, le régler comme je l'aime. Une eau un peu fraîche. Rien de tel pour se forcer à nager. Et surtout se détendre. Pas plus de vingt degrés. Au-dessus, j'appelle ça un bain. Or, je n'ai pas pris de savon.

Je pose ma serviette sur le bord du bassin avant de commencer quelques étirements. Juste histoire d'être chaud et de résister un peu mieux au choc thermique. Puis je plonge directement tête la première dans l'eau. Bon, ok, il m'a fallut un peu de courage et quelques secondes d'hésitation avant... Mais on s'en fiche ! Ce n'est pas pertinent. Ce qui l'est, en revanche, c'est la sensation de bien-être que je ressens une fois que je remonte à la surface. Dieu que c'est bon ! Presque mieux que le sexe ! Enfin... on va dire que c'est différent, une fois de plus. Et surtout que niveau sexe, c'est le désert depuis plusieurs mois, en ce qui me concerne. Ce qui expliquerait beaucoup de choses à propos de mon comportement... Mais passons. Je me mets à faire mes distances habituelles. À savoir généralement entre un et trois kilomètres. Soit entre vingt et soixante longueurs. Je profite au maximum de la présence de cette piscine olympique, c'est un fait ! Et je ne suis pas le seul.

Je viens de terminer mon premier kilomètre et je m'autorise donc une pause au moment où je vois, et surtout entends, quelque chose tomber dans la piscine. Je sors la tête de l'eau pour voir... une espèce de forme bizarre... enfin bref, un truc, se débattre. Mais ce qui est le plus étrange c'est que j'ai l'impression qu'il disparait et réapparait sans cesse. Curieux et stupide comme je suis, je ne peux pas m'empêcher de m'en approcher. Je veux en savoir plus. Cependant, quand je me rapproche, le truc en question sort de l'eau. Un jeune homme trempé, si je dois le préciser, vêtu uniquement d'un boxer dégoulinant. Je m'arrête de nager, me mordant la lèvre, à la vue de ce garçon en piteux état. Comment est-il arrivé là ? En tout cas, il ne semble même pas me remarquer. Il se contente de s'asseoir dans un coin, recroquevillé sur lui-même. Le pauvre petit. C'est là que ses yeux croisent les miens. Je tente de lui sourire, mais il panique. Regarde ailleurs. Et se met à... clignoter.

Ni une ni deux, je nage jusqu'au bord de la piscine et en sors rapidement. J'aurais bien aimé pouvoir dire que mon geste était gracieux et digne d'une James Bond girl en pleine action, mais j'ai glissé et failli me crouter dans l'eau ou sur les dalles à trois reprises, donc bon... Une fois dehors, je me secoue un peu, me baisse pour attraper ma serviette, et marche vers le jeune homme en me passant une main dans les cheveux. Et il ne faut pas croire que c'est sexy. J'ai l'air d'un chien mouillé comme ça. Pire que tout ! Même un aveugle ne voudrait pas de moi... Peu importe. J'arrive au niveau de la petite ampoule toute mouillée qui a atterri je ne sais comment dans ma piscine, avant de m'accroupir à côté d'elle. Ça doit être mon côté " protéger et servir " parce que je n'y peux rien. Je souris tendrement à ce petit bout de chou. Je ne sais pas ce qu'il a, enfin, juste en partie, mais il faut que je l'aide. Du mieux que je le peux, tout du moins. C'est donc en passant lentement ma serviette sur ses épaules que je lui adresse la parole sur un ton aussi doux que la susdite serviette.

" Tiens, mon grand, sèche-toi un peu. Faudrait pas que tu attrapes froid. Qu'est-ce qui t'amène ici ? Tu voulais nager avec moi ? Il suffisait de demander, à ce moment-là, tu sais ? Ah, et... Comment tu t'appelles ? Moi c'est Jace. "

Oui, je suis blagueur. Certains diraient dragueurs. Mais pour le moment je n'ai pas ça en tête. Loin de là. En fait si on y regarde de plus près, je suis même inquiet pour ce petit. J'ai pas envie qu'il ait peur de moi. Ou qu'il soit triste. Pour moi il n'y a rien de plus beau qu'un homme qui sourit. Alors même si je ne peux pas résoudre tous ses problèmes, je vais essayer de lui arracher au moins ça.

Je me mords légèrement la lèvre. Bon, ok, la situation est bizarre. Je suis aux trois quarts à poil, à côté d'un jeune homme dans la même tenue que moi, et nous sommes tous les deux aussi mouillés l'un que l'autre. Mais sinon tout va bien hein. Ma libido est extrêmement calme. Oui. TRÈS CALME. Ok Jace. Respire un bon coup. Ce soir tu fais ton taff. Pas autre chose. Espèce d'abruti. Déjà qu'est-ce qui me prend au juste de penser à ça, hein ? Je dois être un peu trop sous pression en ce moment... Enfin bref, là où je veux en venir, c'est que ce jeune homme (ouais, je dis ça comme si j'étais vieux mais pour moi tous les étudiants sont forcément plus jeunes que moi, allez savoir pourquoi),ce jeune homme, donc, est en train de clignoter. Je ne sais pas trop ce qui se passe mais bon, depuis le temps que je suis ici, pour moi c'est limite une situation tout à fait normale. Oui, j'en suis vraiment réduits à croire ça... Quoi qu'il en soit, le garçon semble légèrement s'éloigner de moi. D'où mon inquiétude grandissante. J'ai peur de ne pas arriver à l'aider.

Prosper. Je me retiens de faire quelques jeux de mots. C'est pas le moment de rire du prénom de ce pauvre petit. Bon, c'est jamais le moment, certes, mais je suis taquin, alors parfois il m'arrive d'embêter quelques élèves. Qui me le rendent bien. Très bien. Trop bien. Quoi qu'il en soit, pour le coup je parviens à respirer un peu mieux au moment ou Prosper attrape ma serviette pour commencer à se sécher doucement. VICTOIRE ! Enfin oui mais non. À moitié seulement. Je reste donc immobile, évitant de sauter les étapes. Il suffit d'un simple faux pas pour qu'il arrête de me parler. Voire pire, d'après ce que j'ai pu constater, et ce grâce à mes talents de fin limier, fils caché de Sherlock Holmes. À savoir en l'occurrence se téléporter n'importe où. Trempé comme il est, désespéré comme il est, et... enfin bref. Je ne préfère pas imaginer ça. Je dois à tout prix calmer ce pauvre bout de chou.

Je hausse un peu les sourcils suite à la dernière remarque de Prosper. Il est sérieux ? Je suis bête. Bien sûr qu'il l'est. Comment pourrait-il ne pas l'être dans ces conditions ? À moins que tout ceci ne soit savamment orchestré pour me faire une blague. Mais je vois mal mes petits canailloux me faire ce genre de coup bas. Ils sont beaucoup plus directs. Sauf s'ils veulent précisément que je ne me doute de rien. Comme c'est fourbe... Trop fourbe pour eux, même. Si bien que j'ai tôt fait d'abandonner cette idée aux oubliettes. Mais du coup, je me retrouve quand même bien embêté. C'est vrai que vu l'heure, il ne devrait y avoir que moi dans cette piscine. Cependant, d'un autre côté, je ne suis pas de garde ce soir donc techniquement... Raaah, ça m'énerve ! Puis il ne faudrait pas que Prosper me voit comme ça. En train de réfléchir sur son sort. Je m'assieds donc à côté de lui pour gagner quelques précieuses secondes, le frôlant avec mon épaule tandis qu'un frisson me parcoure le dos au contact du mur froid. Je regarde un instant les reflets de l'eau danser au plafond. Puis je prends ma décision finale.

" Oh que si, Prosper ! Tu vas avoir la punition que tu mérites ! Crois-moi, mon petit, tu vas en prendre pour ton grade ! "

Un discours simple. Clair. Net. Précis. Et pas crédible pour un sou. Autant je lâche ça de manière on ne peut plus sérieuse, autant deux secondes à peine après, je me mets à éclater de rire. Et pas le petit rire de la blague Carambar. Le vrai fou rire. Celui qui résonne. Et qui fait se demander à son entourage si cette personne n'est pas folle, voire dangereuse, et à interner de toute urgence. Enfin voilà. Je me marre tellement que je manque de m'étouffer. Déjà que j'ai un rire d'otarie... Je passerai sur les détails pour aller directement à la partie où je reprends mon souffle. Le visage plus rouge que jamais et les yeux presque en larme, je me tourne donc, tout sourire, en direction de Prosper. Mon Dieu le pauvre... Pour pouvoir le regarder comme il se doit, j'en viens à adopter une position presque aguicheuse. Allongé sur le côté, une jambe relevée et le buste redressé grâce au bras sur lequel je m'appuie.

" Désolé, c'était plus fort que moi. T'en fais pas, vu ton état, je serais un sacré... voilà, si je te punissais. Alors tout va bien pour cette fois. Du moment que ça reste entre nous. Et je pense d'ailleurs que tu n'as aucune envie que l'on apprenne que tu prenais un bain de minuit avec un surveillant. Ça risquerait de faire jazzer... "

Je laisse échapper un petit clin d’œil à l'intention de cet adorable Prosper. Puis je me dis que malgré cela, ça ne suffira pas à le faire aller mieux. Il est encore tout clignotant et pas forcément sautillant de joie. Je me retrouve donc à me mordre la lèvre encore une fois. Puis je regarde la piscine. Quelle heure il est ? Je n'en sais strictement rien. Mais on verra le soleil se lever, dans le pire des cas. Alors je n'ai pas à m'en faire pour ça. Mon regard se pose donc de nouveau sur mon compagnon. Hum... Réfléchissons. Il est là, devant moi. Seul. Effrayé. Presque nu. Tout comme moi. Sauf que je suis en mesure de lui faire du bien. Si je m'y prends de la bonne façon. En lui changeant les idées. Puis tout ce qui se passera ici n'en sortira jamais, pas vrai ? Alors pourquoi ne pas en profiter, hein ? Ok, c'est bon, c'est décidé, je fonce ! On ne vit qu'une fois après tout ! Autant faire en sorte d'avoir le moins de regrets possible ! Je me lève d'un bond (plutôt gracieux, pour le coup) et me place juste en face de Prosper, les jambes écartées, bien ancrées dans le sol. Je lui tends la main.

" Allez viens, Prosper. Je vais t'apprendre à nager, moi. Tu verras que ça fait un bien fou ! Puis tu ne me déranges pas, hein. Un peu de compagnie ne fait jamais de mal. Ah, et, dernière chose... arrête de me vouvoyer. J'ai pas encore quarante piges, mon bonhomme ! "

Nouveau sourire. Nouveau clin d’œil. Et je lui tire légèrement la langue. Surpris ? Eh bien... What did you expect ?

Bon ok, mon sens de l'humour n'est peut-être pas forcément hyper approprié vu la situation. Pas comme ça en tout cas. Ce serait mieux en fait que je me casse la figure sur le carrelage. Finalement c'est même une excellente option. Ça arrangerait tout le monde, pas vrai ? Enfin bref ! Il est trop tard pour revenir sur les événements et empêcher ce pauvre garçon de pleurer par ma faute. Je dois dire que je m'en veux d'être aussi stupide parfois. Je n'ai pas toujours été comme ça. Pendant un moment j'étais même plutôt à la place de Prosper. Je me posais des questions sur moi. Sur mon pouvoir. Sur mon avenir. Sur mon présent. Je sais que ce n'est pas facile. Et j'ai tiré le gros lot en plus ! Je suis un mutant ET homosexuel. Quel beau déchet de la société ! Malgré tout j'ai réussi à passer au-dessus de ça. Avec l'aide d'un psy et de l'Institut, certes. Mais au moins maintenant tout va bien. Ou presque. Je laisse de côté le stress post-traumatique parce qu'il n'a rien à voir, cependant il est toujours là, et je dois dire que ça me fait peur parfois...

Prosper ne semble pas convaincu. Je le vois rougir jusqu'aux oreilles et se recroqueviller encore plus sur lui-même. Jace Barnes, alias Capitaine Boulet... Le p'tit n'arrive même plus à me regarder. C'est à peine si je ne commence pas à trembler légèrement. Mais bon. Il faut que je me montre plus... comment dire... plus fort que moi ? Peu importe. Je dois faire en sorte que Prosper aille mieux. Après tout, c'est aussi pour cette raison que je suis venu travailler ici. Afin d'éviter que d'autres jeunes mutants ne se retrouvent dans une situation semblable à celle que j'ai traversée. Aucun gosse ne mérite ça. Quant à celui que j'ai devant moi... bah il est en plein dedans. Je le vois bien. Il est mal dans sa peau. Il ne maîtrise pas ses capacités. En un mot, il est sur le point de craquer. Le tout en se cherchant des excuses, bien évidemment. Il est chou. Je lui souris donc tendrement en m'accroupissant devant lui. Il n'y a plus qu'un demi centimètre qui nous sépare. Et je pose délicatement mes mains sur ses genoux.

" Hey, Spero, pleure pas. Tout va bien. T'es pas en forme pour dormir, là. Et tant que tu es avec moi, t'es couvert, donc pas d'inquiétude à avoir. Après, si je te propose ça c'est aussi que tu ne me déranges pas. Pour le reste, au moindre souci je serai là. Je te tiendrai, une fois dans l'eau. Quant à ta tenue... elle sera très bien. Sinon, tu peux enlever ton boxer, c'est pas moi que ça va gêner ! "

Je ris en lui faisant un clin d’œil pour le moins aguicheur. Presque tout le monde à l'Institut sait que je suis gay. Et personnellement je me sens tellement bien ici que ça m'importe peu ! C'est même mieux. Au moins je peux en jouer, comme maintenant. Puis on commence à me connaître. Alors chacun est capable de savoir que jamais, ô grand jamais, je ne déconnerai de ce côté en harcelant quelqu'un. C'est ma limite. Même s'il m'arrive de trouver des étudiants séduisants, je ne les drague pas. Et même les rares fois où ça arrive, soit c'est de l'humour, soit je respecte quant on me dit non. Je ne suis pas un dangereux psychopathe, non plus. Tout ça pour dire que ouais je pense que voir Prosper tout nu serait sympa pour me rincer l'œil, mais je ne compte rien lui faire, ni ce soir ni jamais. À moins qu'il ne me saute dessus. Et encore je devrais y réfléchir un peu parce que les conséquences peuvent être graves, pour lui comme pour moi.

Je ne sais pas trop quoi faire. Il faut absolument que je réussisse à mettre Prosper dans l'eau. Je suis sûr que ça va l'aider de se concentrer sur autre chose que ses soucis. Ce n'est pas une solution, cependant ça libère la parole. De fil en aiguille, on pourra trouver un moyen d'arranger sa situation. Alors je me relève et fais quelques pas sur le côté. Je me retrouve sur le flanc droit de Prosper. J'hésite un instant. Je ne crois pas que je puisse y arriver autrement. Je vais quand même tenter de rester cool seulement voilà, il faut que ça bouge. Maintenant. Sinon ça ne se fera jamais. Je m'approche doucement, et je me baisse. Puis d'un geste un peu brusque je passe une main derrière le dos du jeune homme, sous ses bras, tandis que mon autre main vient se glisser sous ses genoux. Ni une ni deux je le soulève du sol dans mes bras, tel le preux chevalier avec sa princesse. Même si c'est complètement hors de propos.

" Bon allez. Assez pleuré ! Je compte bien te redonner le sourire avant le lever du jour, mon bonhomme ! Donc tu me dis si tu veux te changer ou pas. Rapidement, de préférence, parce que dans cinq secondes je te largue dans la piscine, ok ? Cinq ! Quatre ! "

Au fur et à mesure du compte à rebours, je me rapproche du bassin. Je suis sûr que Prosper a peur mais je le tiens fermement contre moi, comme pour lui dire que de toutes façons je suis là et qu'il n'a rien à craindre. Puis quoi qu'il se passe, si j'arrive à zéro, je saute dans l'eau avec lui. Je ne vais quand même pas jeter un pauvre petit bout de chou qui sait à peine faire la nage du petit chien... En fait si je pouvais je le garderais bien encore un peu contre moi pour lui faire un câlin. Mais ce ne serait pas très professionnel. N'est-ce pas ?

Ok, c'était pas vraiment ce à quoi je m'attendais en venant ici ce soir. Mais reprenons les choses depuis le début. Avant que ça ne dérape. Je suis donc en train de m'approcher de la piscine, Prosper dans les bras, le compte à rebours toujours en cours. Jusque là, tout va bien. Relativement bien. Sauf qu'au dernier moment, alors que je m'attendais à ce que le petit bout de chou prenne la parole... Eh bien il disparait. Comme ça. D'un coup. Sans prévenir. Pouf. Je me retrouve donc les mains vides, trébuchant un peu en arrière, et me tournant dans tous les sens, à la recherche de mon petit protégé. Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? Je n'ai pas rêvé, si ? Il était bien là ? Je m'autorise à me poser la question parce que mon stress post-traumatique me fait parfois voir des choses qui n'existent pas... Mais pas d'inquiétude, j'ai des cachets contre ça. D'ailleurs je me demande si je les ai pris aujourd'hui, pour le coup... Puis il s'avère que oui !

Je vois Prosper réapparaitre quelques mètres plus loin, avant d'atterrir, les fesses en plein sur le carrelage. C'est assez drôle à voir, mais je me contente juste de sourire. Je suis content qu'il aille bien, n'empêche ! Ou presque. Il n'a pas l'air très... abordable. Il s'énerve un peu. Je peux l'entendre pleurer, tandis que je m'approche doucement de lui, pas après pas. Il faut que j'arrête de le brusquer, apparemment. Mais si je ne le fais pas, je ne pense pas qu'il se rendra compte que se lamenter ne sert à rien. Quoi qu'il en soit, je m'immobilise lorsqu'il se met à regarder quelque chose. Une chose que lui seul semble voir, soit dit en passant. Je préfère me faire tout petit en attendant que ça se passe. Puis enfin Prosper se décide à se relever ! Je me détends un peu, lui souriant doucement. Il m'explique que sa téléportation était un accident. Je hoche simplement la tête. Après tout je peux le comprendre. Moi-même parfois quand je m'énerve je suis capable de faire... bang. Mais passons !

C'est maintenant que les choses se corsent. Le pauvre petit semble un peu plus en forme, et même prêt à sauter le pas pour apprendre à nager, sauf que... eh bien, il me prend au mot. Je plaisantais quand je lui disais qu'il pouvait enlever son boxer et que ça ne me gênerait pas le moins du monde ! Parce qu'en fait si, c'est gênant. Et je le sais parce que je le vois baisser son seul et unique vêtement, jusqu'à ses chevilles, d'une main tremblante et peu assurée. Quant à moi, je déglutis en observant le jeune homme de haut en bas. Pu...rée... Il est plutôt bien foutu ! Je souris bêtement, limite intéressé par ce que j'ai devant moi. Non. En fait, je suis très intéressé ! À tel point que je commence même à sentir un léger frémissement dans mon maillot de bain. C'est ce qui me fait redescendre sur Terre, d'ailleurs. Je me retourne rapidement dos à Prosper, sentant mes joues rougir. En d'autres circonstances, j'aurais sauté sur l'occasion. Là... c'est différent.

Pourquoi les choses ne sont-elles pas comme d'habitude ? Premièrement, parce que ce jeune homme tout nu derrière moi est un élève. Bon ok, ça je m'en fiche, je passe mes journées à mater les mâles de l'Institut. Mais moins lorsque j'ai vu ces derniers pleurer à peine quelques minutes plus tôt. Oui, parce que pour le coup, j'ai pas l'image d'un post-ado en rut mais plutôt celle d'un jeune en difficulté qui a besoin de câlins et de bisous, tous deux chastes et en tout bien tout honneur. Ce serait donc plutôt cet aspect qui me gêne le plus. Honnêtement, si Prosper venait tout juste de débarquer, dans cette tenue, bah je serais déjà à poil en train de lui faire des choses peu catholiques ! Mais bon sang, Jace, la ferme ! Je n'arrange pas du tout le problème qui grossit dans mon maillot de bain en pensant à ça. Je ferme donc les yeux et tâche de me détendre en me concentrant sur ma respiration. Puis finalement je fais de nouveau face à Prosper, quand je suis bien détendu de partout. Littéralement. J'essaye de le regarder dans les yeux, seulement je ne peux pas m'empêcher de dévier de plus en plus bas avant de remonter. Concentre-toi, Jace ! T'es plus fort que ça !

" Hum... Euh. Ouais. Allons nager. T'aurais pu garder ton boxer, hein, tu sais. Je me sens un peu bête, là... Mais c'est pas grave. Pour commencer on va rester près du bord. Je vais t'apprendre les baises. Les BASES ! Je voulais dire les bases ! "

Sérieusement, faut vraiment que j'apprenne à fermer ma grande gueule. D'autant plus que ça bouge encore dans mon maillot de bain. J'ai la drôle d'impression que les rôles se sont inversés. C'est même assez désagréable, pour être tout à fait honnête. Je me tourne donc vers le bassin, avant d'y glisser doucement mes jambes en m'asseyant sur le rebord. J'aurais bien aimé plonger et disparaitre sous la surface miroitante, cependant je refuse de laisser Prosper tout seul, alors que je lui ai dit que j'allais lui apprendre à nager. Ce n'est pas en partant de mon côté que je vais y arriver. Malgré tout, j'ai besoin de fuir, et de cacher un peu ma... réaction pour le moins inappropriée. Être assis les pieds dans l'eau m'aide un peu à mélanger tout ça en même temps. Je bats doucement des jambes, attendant... quelque chose. Je ne sais pas trop quoi, en fait. Est-ce que je dois enlever mon maillot de bain, moi aussi ? Après tout peut-être que ça aiderait ? Non. Je dois rester professionnel. Après, si Prosper me le demande...

" Allez, viens là, Prosper. On va pouvoir passer aux choses sérieuses. "

Et tic. Et tac. Et tic. Et tac. Tous les engrenages dans ma tête s'affolent en même temps. Ceux du professionnalisme, pas très développés, qui me font me tenir droit et me concentrer sur le fait de donner des cours de natation à Prosper ; ceux du sexe, de loin la plus imposante des usines à gaz dans ma tête, qui me font rougir et me mordre la lèvre, bien que je sens déjà les valves lâcher une à une ; et enfin ceux de la raison, assez rouillés, qui démarrent lentement pour m'empêcher de faire une bêtise. À savoir sauter sur Prosper et lui faire l'amour au bord de la piscine. Et pourquoi pas dans l'eau aussi, tant qu'on y est ! Ouais. Je pense définitivement que je vais faire ça ! En plus, je vois bien le jeune homme zieuter sur mon paquet, qui est encore emballé. À la différence du sien. Je tâche de ne pas trop y penser, balançant ma tête en arrière et fermant les yeux. Tout va bien se passer. Je ne suis tout de même pas autant en manque, si ? Je peux me contrôler. Je vais me contrôler, ouais !

" Aaaaah ! T'excuse pas, Prosper. C'est pas ta faute, bonhomme. Je vais juste arrêter de faire des blagues stupides. Et tu n'iras nulle part avant de savoir nager ! Au moins un peu. "

Ouf ! Ça va à peu près. Première bombe désamorcée. Je m'autorise même à poser la main sur l'épaule de Prosper. Je me dis qu'à partir de là ça devrait bien se passer. Il ne veut pas... faire des choses avec moi. Et moi non plus. Enfin bref. Il ne nous reste plus qu'à effacer ce passage légèrement tourmenté pour faire disparaître les parties incriminées de nos anatomies respectives sous l'eau claire de la piscine. Et c'est pas gagné. Système de sécurité oblige, il y a forcément une deuxième bombe. Qui est censée faire plus de dégâts que la première, qui plus est. Ce n'était donc plus qu'une question de temps avant que le tout n'explose. Et ce en plein dans ma figure. Je ne l'ai tellement pas vu venir que je bugue l'espace d'un instant, restant immobile le temps de bien comprendre le sens de la proposition de Prosper. Histoire d'analyser toutes les possibilités de cette phrase. Au lieu de la jeter directement dans le panier avec écrit SEXE dessus. Oui oui, en majuscules. Et pourtant, c'est bien là que les dernières paroles du séduisant jeune homme terminent leur cheminement à travers mon cerveau dégénéré.

Prosper a beau cacher ses organes génitaux avec ses mains, je ne peux pas m'empêcher de regarder à ce niveau. Puis dans les yeux du mutant. Puis au niveau de mon propre service trois pièces. Puis vers les mains de... Enfin bref, mes yeux se baladent partout, et surtout là où ils ne devraient pas, tandis que ma bouche entre-ouverte me donne l'air d'une carpe morte. Ou presque morte. J'aurais préféré être mort, en fait. Pas une carpe, non. Juste décédé. Me comparer à un poisson, quelle idée. Quoiqu'une fois ont m'ait traité de thon, au collège... Mais c'est complètement hors de propos. Je secoue vivement la tête, retirant ma main de l'épaule de Prosper. Puis je me laisse glisser dans l'eau. Plouf. Voilà que je m'échappe. Je retiens ma respiration, refusant de remonter à la surface pendant plusieurs secondes. Je suis bien, là-dessous. Plus aucun bruit. Plus aucun problème. C'est le Paradis. Cependant, du fait de certaines contraintes biologiques, je me vois dans l'obligation de retourner au-dessus de l'eau afin de respirer profondément. J'émerge donc juste en face de Prosper, pile au niveau de.... de son... Entre ses jambes, quoi.

Je déglutis en rabattant mes cheveux en arrière. Je passe une main sur mon visage et retire l'eau qui est dans mes yeux comme je peux, avant d'enfin oser lever le regard vers Prosper. C'est drôle comme soudain c'est moi qui suis dans la position adéquate pour lui faire une gâterie. Ce qui me fait d'ailleurs rougir légèrement tandis que je contemple le corps de l'étudiant sous un angle tout à fait nouveau et pour le moins attrayant. NON ! Je secoue vivement la tête, projetant ainsi l'eau que j'ai dans les cheveux dans toutes les directions, et je viens poser mes mains sur le rebord de la piscine, de chaque côté du jeune homme. Bien évidemment, cela a pour inévitable conséquence de me rapprocher de lui. Mon menton n'est plus qu'à quelques millimètres de ses jambes. Je pourrais facilement les lui caresser en passant ma joue humide dessus. Et remonter tout doucement le long de l'intérieur de ses cuisses, jusqu'à ce que ma bouche atteigne... STOP !

" Prosper. Écoute, mon grand. Je suis désolé de t'avoir mis mal à l'aise. Mais tu n'as pas besoin de faire ça pour arranger les choses. C'est... c'est très gentil de ta part. Et surprenant aussi. Mais tout est parfaitement sous contrôle. Je ne te ferai rien, et tu n'as rien à me faire à moi. Ok ? Allez, maintenant viens dans l'eau. On va commencer en suivant le bord. Tu pourras t'y accrocher, comme ça. "

Sur ces mots, j'esquisse un léger sourire avant de me reculer lentement. Je m'allonge à moitié sur le dos, afin de réceptionner Prosper au moindre dérapage. Enfin... Il suffit qu'il glisse un peu et il se retrouve collé contre moi. Voire pire. La tête à un endroit qu'il ne faudrait pas. Mais je préfère ne pas y penser. Tout va très bien se passer ! Surtout maintenant qu'il n'y a plus aucune ambiguïté entre Prosper et moi. Je crois.